C'est une situation inédite que vit le Front de libération nationale (FLN) depuis la destitution de son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, le 31 janvier dernier, par la majorité des membres du comité central (CC). Selon des spécialistes qui s'appuient sur les statuts du parti, l'équipe, à sa tête Abderrahmane Belayat qui gère depuis cette date les affaires courantes du parti, est dans «une totale illégalité». L'article 9 des statuts, selon eux, n'est pas valable dans le cas qui est celui de la direction de l'ex-parti unique. La disposition statutaire stipulant que le plus âgé et le moins jeune assurent l'intérim ne s'applique en fait que dans une situation de vacance du poste de secrétaire général entre deux sessions. Ce qui n'est pas le cas depuis la destitution de Abdelaziz Belkhadem. Une situation qualifiée de kafkaïenne pour un parti ayant la majorité au Parlement et gérant la moitié des Assemblées populaires communales. En fait, les opposants à l'ancien secrétaire général ont-ils commis l'erreur de laisser traîner les choses, eux qui avaient réussi à faire partir Abdelaziz Belkhadem ? Il est vrai qu'ils craignaient son retour. Mais la décision d'ajourner l'élection d'un nouveau secrétaire général n'a pas pour autant réglé le problème en laissant la session du CC ouverte et en mettant en place un bureau qui a fini par s'effacer devant M. Belayat et les autres membres du bureau politique qui ont refusé de lâcher les rênes après la destitution de Belkhadem. La marge de manœuvre était tellement réduite – seulement 4 voix (160 contre 156) séparaient les deux camps – qu'ils redoutaient un retournement de situation, d'autant plus que l'ancien secrétaire général avait tenté de revenir aux commandes. C'est dans ces conditions donc que les adversaires de Abdelaziz Belkhadem avaient décidé de reporter l'échéance, préférant, arguaient-ils, «laisser le temps nécessaire pour que les frictions produites par la longue crise du FLN s'estompent». Seulement, le temps a prouvé le contraire. Le départ de Belkhadem n'a pas réglé la crise au sein du parti. Mieux, il s'avère que ce n'est pas l'homme qui posait tellement problème. L'enjeu est plus important que la personne du secrétaire général. Les différents clans continuent à se livrer une guerre impitoyable sur des positions de rente. C'est ainsi que les anciens soutiens de l'ex-secrétaire général du FLN, surtout des affairistes et des milliardaires, sont allés chercher leur propre candidat, à savoir Amar Saïdani, ancien président de l'Assemblée populaire nationale (APN), cité dans une affaire de détournement des aides à l'agriculture. Si au lendemain de la session du CC, le compromis aurait pu être trouvé autour du défunt Abderrezak Bouhara, son décès a replongé le FLN dans le statu quo de la crise qui le secoue depuis quelques années déjà. L'option de Mohamed Boukhalfa, sénateur du tiers présidentiel, mise sur la table, n'a pas encore requis le consensus au sein du CC, puisque d'autres candidatures ont, entre-temps, vu le jour. En plus de celles de Mohamed Boukhalfa portée par les membres du mouvement de redressement et une partie des membres du CC et de Amar Saïdani promue par les affairistes et les milliardaires mis sur orbite par le secrétaire général déchu, il y a celle de Abdelaziz Ziari, l'actuel ministre de la Santé et ancien président de l'APN, et celle de Mustapha Maâzouzi, ancien membre du bureau politique. Parmi les quatre candidats, les membres du CC n'arrivent pas à choisir. En réalité, tout le monde attend un coup de fil qui n'arrive toujours pas. Et le FLN, qui constitue un véritable enjeu de pouvoir, n'est pas sorti de sa crise. Mais si le parti est depuis un mois et demi sans secrétaire général, il a cependant un président qui est le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. Et il clair qu'il y a quelque part une volonté de le maintenir en l'état. Pour quels desseins ? Pour tous les observateurs, le lien est vite établi avec l'élection présidentielle de 2014. La seule inconnue est en réalité l'agenda qu'on lui a prescrit. C'est de cela que dépend le règlement de la crise au FLN.