El Harrach, c'est une équipe de football, l'USMH, qui joue les premiers rôles dans le championnat professionnel, mais ce sont aussi des marchés, ou plutôt un seul : celui de Boumati. Les rues de ce quartier sont squattées par près d'un millier de revendeurs. L'opération d'éradication de l'informel, décidée l'année dernière, s'est arrêtée aux abords de cet espace de vente au succès fulgurant, surtout parmi la gent féminine. «Les pouvoirs publics ont voulu éradiquer ce marché en même temps que celui de Badjarah. S'ils ont réussi à éliminer le second, ils se sont cassé les dents chez nous. Les policiers, venus à l'aube, n'ont pas osé affronter les revendeurs, qui s'étaient armés de bâtons et de barres de fer. Nous étions prêts à en découdre avec eux ce jour-là», raconte Slimane T., la trentaine, installé devant son étal d'habillement féminin, made in Turquie. «Si l'Etat s'aventurait à nous déloger par la force, elle saurait à quoi s'attendre», menace le revendeur, employé pendant 4 mois dans une administration locale, avant qu'il ne décide de tenir l'étal qui était «géré» auparavant par son père décédé. L'opération, menée par la DGSN, a buté sur le refus des revendeurs de quitter le quartier, mais pas seulement, si l'on se fie aux propos tenus par le wali d'Alger, mercredi dernier, lors d'une session de l'APW. Les riverains seraient complices de cette situation dont ils «tirent profit». «Ce sont ces mêmes personnes qui signent des pétitions pour réclamer la délocalisation du marché qui louent leurs balcons aux revendeurs», lâche, furieux, Mohamed Kebir Adou, qui réagira aux propos du rapporteur de la commission de l'APW et de son frais émoulu directeur du commerce qui promet l'ouverture du marché légal de Boumati «avant le mois de Ramadhan». Sauf que, mis à part les murs, les revendeurs ne voient rien venir. Batimétal, entreprise publique chargée des marchés de proximité, n'a même pas installé les socles dans cet espace laissé ouvert aux quatre vents, situé non loin du marché informel. «En plus, les demandes recensées sont au nombre de 600 environ, alors que le nombre de box est seulement de 530», estime un riverain de cet espace. L'opération de recensement et de déplacement des marchands a été confiée à la wilaya déléguée d'El Harrach : choix du comité de représentants, délimitation d'un espace et mise en place d'une commission pour le choix des bénéficiaires. Le wali délégué, M. Lebka, a maintes fois annoncé, la main sur le cœur, son «ouverture prochaine». «L'opération se fera en même temps que le commissariat de police, en réalisation, à proximité du marché (toujours fermé, ndlr)», nous a signalé le wali, lors d'un précédent entretien. M. Lebka, rencontré lors d'une visite des élus de l'APW dans le lieu, assure que les revendeurs se sont organisés, «ce qui va énormément faciliter la prise en charge du problème». Le commerce en vedette !
D'autres espaces de vente, tels que le marché de la rue Malika Gaïd, sont toujours fermés pour des motifs administratifs à El Harrach. Les 250 attributaires, qui ont rejoint contre leur gré le circuit informel, ne reviendront pas de sitôt dans cet espace, inauguré en 1999, à la rue Gaïd. «Il y a un problème juridique dans cet espace. En 2009, l'ancienne équipe a donné l'accord pour sa réouverture, mais depuis rien n'a été fait. La Protection civile doit signer l'attestation de conformité du marché avant sa réouverture», précise le président de l'APC, Embarek Alik. L'APC a entamé les opérations de réhabilitation des quelques marchés du centre-ville, datant de l'époque coloniale. «Le marché Zakaria (20 étals pour la poissonnerie et 15 pour la partie abats) a été complètement refait pour un montant de 28 millions de dinars. Il a fait l'objet d'une réception provisoire. L'activité va reprendre dans une quinzaine de jours. On a dégagé une enveloppe de 15 millions de dinars pour le réaménagement du marché couvert Djelmani. Cette opération sera entamée dès l'installation du bureau d'études», signale M. Alik. Les jeunes de l'ex- Maison-Carrée ont-il une autre alternative que le commerce ? El Harrach où un marché de gros, qui s'ajoutera au «D15» dont la location rapporte à l'APC 7,5 millions de dinars, est déjà lancé, n'offre rien à ces jeunes chômeurs. «On a une micro-zone industrielle à l'arrêt. La BGA, (Brasseries et Glacières d'Algérie), était une unité florissante qui vendait, entre autres, de la bonne limonade. Actuellement, elle sert de parking aux bus de l'Etusa. Il y a énormément d'usines qui ont fermées (Eriad, Enaditex, etc.). Seule la création de richesse avec de vraies usines peut sauver l'Algérie sur le long terme. Mais chez nous, tout est géré bureaucratiquement», estime M. Alik qui reste toutefois optimiste : le projet d'aménagement des berges de l'oued El Harrach donnera un autre aspect à la ville «dans 20 ans».