Elle n'est pas venue à la musique l Elle est juste née dedans. C'est sa destinée. Ce qu'elle sait faire de mieux l Portrait de Malya, la fille de Hssicen. Paris De notre correspondant Voix enchanteresse, Malya fait déjà parler d'elle en France comme en Algérie. Pas parce qu'elle est la fille du célèbre Hssicen, un des pionniers de la musique chaâbie et élève émérite de Cheikh El Hadj M'hamed El Anka, mais pour son talent musical et sa facilité à voyager du jazz à la musique gitane, en passant par le fado et la musique populaire algéroise. Son premier album, Ya labher, (La mer) est une révélation. Il constitue le fil invisible qui relie les deux rives de la Méditerranée. Et si aucun rythme musical n'a de secret pour elle, en revanche c'est le chaâbi qui a conquis son cœur. «Le chaâbi est une identité. C'est comme un nom de famille. Je suis née et j'ai grandi avec. C'est lui qui me sauve et me montre le chemin de la vie lorsque je suis perdue», a-t-elle confié à El Watan. Pour cette artiste qui a interprété sans anicroches Sebhan Allah ya ltif, le chaâbi est un état d'esprit, un repère nécessaire dans une ville aussi grande que bruyante que Paris. «Quand je me sens déstabilisée et que je perds pied, la musique chaâbi me ramène à l'essentiel, aux sources et à la réalité.» C'est à 13 ans que Malya a commencé à taquiner la muse. Bercée par l'ambiance musicale familiale. Un papa chanteur qui n'hésitait pas à organiser des soirées chez lui et à embarquer sa fille pour assister aux répétitions et aux spectacles. Arrivée en France à l'âge de 14 ans, elle n'a jamais pu couper les ponts avec son pays natal. A Montpellier (sud-est de la France), elle a amélioré ses talents de chanteuse et appris le métier de la scène en compagnie de musiciens gitans, sous la direction du célèbre Tchiko. Hommage à El Anka. Cependant, après quelques années, le choix du chaâbi s'est imposé de lui-même. L'exil et les déchirures ont fini par pousser Malya dans les bras de cette musique populaire d'Alger. «J'ai quitté mon enfance et mes souvenirs, mais le chaâbi m'a réconciliée avec mon passé», assure-t-elle. Et à la clef, un album aux multiples sonorités. Dix morceaux aussi divers les uns que les autres font voyager les mélomanes d'une contrée à une autre. Sans passeport ni visa. Le titre phare, Ya labher, a été remis au goût du jour. Ecrite par son père, Hssicen, 25 ans plus tôt, la chanson évoque l'exil, la séparation et le temps qui passe. Il y a aussi Mani barrani, (Je ne suis pas étranger, ndlr), une chanson nostalgique qui replonge Malya dans ses souvenirs d'enfance et dans son Alger de l'insouciance. Mais c'est incontestablement la reprise de Sabhan Allah ya ltif, chantée par Hadj Al Anka, qui constitue la révélation de cet album. Brillamment interprétée, c'est aussi la chanson qui lui a donné du fil à retordre. «J'ai eu peur. J'étais même ‘‘terrorisée'' de mal l'interpréter, mais heureusement je suis restée fidèle à l'original, grâce à des musiciens exceptionnels, comme le petit Moh et Smaïl Benhouhou qui m'ont d'ailleurs convaincue de rajouter la basse et la batterie. Je voulais que cette chanson ne se perde pas, la rendre accessible à l'oreille des jeunes.» Plus qu'une reprise, c'est la féminisation de la musique chaâbie qui est en marche, grâce notamment aux «Samedis des chaâbi» à Paris, organisés par Mourad de Beur FM. Présente à Alger hier, 15 juin, pour participer à l'hommage rendu au maître Al Anka, Malya est plus qu'une révélation. C'est une promesse.