Dès 8h, sous une température qui frôle les 35° et, surtout, sous haute surveillance, les Bamakois se sont dirigés en force vers les bureaux de vote pour élire, parmi 27 candidats, leur Président l Celui qui rétablira la sécurité et renforcera l'économie de leur pays. Dans l'ensemble, l'opération s'est déroulée dans le calme, en dépit de quelques incidents liés au manque d'organisation. Jusqu'en fin de journée, aucun taux de participation n'était disponible. Bamako De notre envoyée spéciale Tôt dans la matinée d'hier, alors que les 2163 bureaux de Bamako, qui compte quelque 1 049 728 électeurs, n'avaient pas encore ouvert leurs portes, des files interminables de jeunes, moins jeunes et de femmes se bousculaient. La température annoncée pour cette journée de jeûne dépassait les 40°C à l'ombre, mais rien ni personne ne semble dissuader les Maliens décidés à user de leur droit constitutionnel en prenant part au scrutin. Le plus important incident a été relevé au centre de Badalabougou, où devait voter le candidat Soumaila Cissé, un des favoris. Quelques équipements ont été ramenés à la hâte pour aider le candidat à voter, alors que les autres bureaux, où des files sans fin attendaient n'ont toujours pas entamé l'opération de vote. L'arrivée du staff du candidat suscite les acclamations de la population, qui scande des slogans pro-Cissé. Ce dernier se permet un bain de foule, et la réaction de certains électeurs relève de l'hystérie. «C'est notre Président. Que Dieu le protège. Il n'y a que lui qui peut faire sortir le pays de la crise et nous donner du travail», lance Boubacar, un jeune étudiant en médecine, venu voter pour la première fois. Pendant un long moment, Cissé va saluer un à un ses fans avant de se diriger vers l'urne. Histoire de prolonger au maximum ce moment historique, non seulement avec la presse, mais aussi avec les électeurs. Son bulletin, il le glisse dans un climat d'anarchie marqué par des bousculades et des cris des professionnels des médias qui avaient du mal à se frayer un chemin parmi la foule. Une fois son devoir accompli, Cissé déclare : «J'ai confiance en mes électeurs et je sais qu'ils vont me porter loin. Ce scrutin est porteur d'espoir pour notre pays.» A l'autre côté du quartier, le candidat Ibrahim Boubacar Keita se prépare à sortir de sa demeure à Sébénicoro, où un long cortège de véhicules l'attend. Il se dirige tout droit vers la 4e commune du district de Bamako, où il est inscrit lui et son épouse, en tenue de fête. Au bureau de vote, une foule compacte l'attend depuis déjà des heures. Tous veulent approcher celui qu'ils espèrent devenir leur Président. Son entrée provoque une véritable anarchie, qui a failli tourner à l'émeute n'était l'intervention du service d'ordre présent en force sur les lieux. Quelques gestes pour les caméras et les appareils photo des journalistes, des embrassades par-ci, des caresses par-là, enfin tout pour faire accrocher le regard des représentants des médias venus en nombre impressionnant. Dans une déclaration à la presse, IBK déclare : «Ce scrutin permet au Mali d'entrer dans la démocratie. L'influence des Maliens dans les bureaux de vote et leur effervescence lors de la campagne électorale montrent qu'il y a un nouveau Mali qui se profile à l'horizon. Ce scrutin est une réussite. C'est bien, mais en même temps très lourd à supporter. Les enjeux sont énormes et en tant que candidat, je sens beaucoup cette charge, notamment lorsque je vois le comportement de mes compatriotes, qui sont tellement euphoriques.» Sur sa première priorité, IBK affirme : «Ça sera la sécurisation du pays, tout le pays. Sans la sécurité, nous ne pouvons rien faire et le pays n'avancera pas. Une fois, ce défi relevé, je refonderais l'Etat malien sur des bases modernes et dignes. Je ferais sortir notre pays du néocolonialisme et de la régression et de la défaite. Je suis conscient de cette réalité et conscient du fait qu'un pays ne peut se construire avec des étages, où les citoyens du premier étage n'ont pas les mêmes droits que ceux du dernier. Je vais construire un Mali juste, équitable et contemporain.» Des propos qui, pour beaucoup, laissent transparaître de l'optimisme. Sur les éventuels incidents qui pourraient entacher le déroulement du scrutin, IBK souligne : «Il faut noter les bonnes conditions dans lesquelles les Maliens sont en train de voter et qu'au Nord, tout se passe bien, puisque les gens se sont dirigés vers les urnes et ont voté dès la matinée.» Pour lui, le taux de participation «sera certainement plus élevé» que tous les scrutins précédents, même s'il est bas. Un avis que partagent de nombreux observateurs, sachant que pour les Maliens, ce rendez-vous est considéré comme étant décisif. Quelques incidents sont enregistrés dans certains bureaux de vote. Des milliers de jeunes, ayant atteint l'âge de vote, entre 2012 et 2013, n'ont pas été inscrits et n'ont pu avoir leur carte de vote. Certains d'entre eux manifestent leur colère en refusant de quitter les bureaux de vote. D'autres, frustrés, préfèrent rebrousser chemin. Beaucoup craignent des échauffourées à la fin du scrutin. Une crainte ressentie par les observateurs, mais qui préfèrent mettre l'accent sur l'organisation de l'opération dans le Sud, où se concentrent plus de 80% du corps électoral. Selon certaines indiscrétions, ils espèrent finir ce scrutin dans des conditions acceptables même si le taux de participation sera faible. «L'essentiel, c'est de sortir avec un Président légitime qui pourra par la suite prendre les décisions qu'il faut pour sortir de la crise», dit-on. Dans une déclaration à la presse, l'ambassadeur des Etats-Unis à Bamako, M. Berth, met lui aussi le pied dans le plat, pour affirmer que le scrutin est une sortie de crise pour le Mali qui doit aller vers un pouvoir légitime et ouvrir ainsi le pays aux financements extérieurs. Au nord du pays, et jusqu'en fin de journée, aucune nouvelle sur des incidents n'est parvenue. Les observateurs étrangers affirment que leurs correspondants font état de bonnes conditions de vote, mais avec un taux très faible de participation. A Kidal, affirment nos sources, une ville que contrôle le MNLA, dont les dirigeants ont annoncé la couleur en déclarant qu'ils ne voteront pas, mais qu'ils n'empêcheront pas la population de voter, la commission électorale indépendante a enregistré près de 6 retraits de cartes électorales. Cependant, hier, leur affluence était très timide, selon quelques observateurs étrangers. Les premières tendances de ce scrutin ne peuvent être connues qu'en milieu de soirée dans le cas où certains bureaux de vote vont retarder la fermeture en raison de la rupture du jeûne.