La mise en valeur des spécificités et potentialités locales, constituant l'axe central de toute politique de développement des territoires ruraux, est plus que jamais d'actualité non seulement en Algérie mais bien au-delà, dans les différents pays maghrébins et l'ensemble des pays du bassin méditerranéen. En Algérie, la volonté politique d'aller vers la valorisation des territoires ruraux a été exprimée pour la première fois au début de la décennie 2000 à la faveur de la mise en œuvre du Plan national pour le développement agricole et rural (PNDAR), avant sa réforme et le recentrage des objectifs assignés à la démarche en 2009 à l'ombre de la politique de renouveau rural. Mais depuis, quelles sont les réalisations qui peuvent refléter la réussite de cette option ? Pas grand-chose si ce n'est les bilans chiffrés à la limite d'illisibilité balancés par les responsables de tutelle d'une façon intempestive et fréquente ne servant qu'à démontrer l'ampleur des dépenses consacrées dans ce domaine. Cependant, les quelques projets concrétisés dans ce volet ne sont en réalité que des opérations de rattrapage des retards en matière d'infrastructures de base et de protection de l'environnement accumulés pendant des années, à l'instar des programmes de protection des bassins versants, le reboisement et la lutte contre l'avancée du désert vers le nord, l'ouverture des pistes pour le désenclavement des zones de montagne, entre autres. Mais, en termes de développement territorial dans sa dimension qui profiterait directement aux populations locales, à travers la création d'emplois et la valorisation des richesses locales, l'Algérie est encore à la phase primitive. Retards énormes A titre indicatif, cette année, la localité d'Illoula Oumalou à plus de 70 km à l'est de Tizi Ouzou, a célébré la 7e édition de la fête de la figue du 29 au 31 août dernier. Durant trois jours, les paisibles villages de cette commune ont été un lieu de pèlerinage de centaines de visiteurs et un rendez-vous pour près d'une cinquantaine de producteurs agricoles intervenant dans différentes filières de produits du terroir et autres artisans venus pour faire la promotion de leurs produits mais aussi pour faire entendre leurs préoccupations aux responsables locaux ayant fait le déplacement. Des universitaires et membres d'associations activant dans divers domaines ont également été au rendez-vous avec seul objectif qui est la défense et la promotion des produits du terroir. Durant cette manifestation, qui se veut un rappel bénéfique de l'utilité des produits et savoir-faire locaux dans toute politique de développement local, les organisateurs de la manifestation ont axé le débat sur la nécessité d'une réelle prise en charge de ce volet de l'économie rurale qui est la promotion des produits du terroir. Ainsi, la fête de la figue qui fait partie désormais de la vie de la population locale est appelée à sortir de son simple cadre folklorique pour être un forum de débat sur la mise en valeur des spécificités locales. C'est aussi une occasion pour faire le constat de la politique du développement rural chantée sur tous les toits par les pouvoirs publics ces dernières années. Certes, les représentants des autorités locales marquent leur présence, dont des élus à l'APW et des représentants de la direction des services agricoles (DSA) et de la Conservation des forêts et réitèrent chaque fois la volonté politique d'aller davantage vers le soutien de l'économie rurale dans tous ses aspects. Mais leurs interventions respectives n'ont jamais été suivies d'actes concrets. Un représentant de la DSA interrogé sur les préparatifs de la 7e édition de la fête de la figue de cette année a tenu à rappeler que «la politique de renouveau rural accorde un grand intérêt à l'encouragement des activités en relation avec le monde rural, notamment à travers les programmes de développement de l'arboriculture ou les PPDRI. C'est à la population de se rapprocher de l'administration chargée du secteur agricole pour faire des propositions concernant des projets à financer.» Promesses non tenues En revanche, dans la réalité, les embûches sont insurmontables lorsqu'il s'agit de solliciter les pouvoirs publics pour appuyer les initiatives locales, témoigne un membre du bureau de l'association Tighilt qui est l'organisateur principal dudit événement. Depuis les débuts de la manifestation dans cette localité qui ambitionne de développer la production de la figue avec de nouvelles plantations et la création d'une unité de séchage, plusieurs projets ont été proposés dans le cadre des PPDRI, mais aucune avancée n'a été enregistrée à ce jour. Ce témoignage du président de l'association locale, Tahar Boukhenoufa, à lui seul reflète la cacophonie qui y règne : «L'an dernier, les responsables de la subdivision d'Azazga nous ont fait part de la décision du lancement de huit projets d'unités de séchage et conservation de figues dans la localité avec un financement alloué par la banque africaine de développement (BAD), mais à ce jour, rien n'a été fait. Le comble, même les responsables qui ont fait circuler cette information affirment ne plus détenir d'éléments nouveaux quant à l'avancement de ce projet. De notre côté, nous ne pouvons pas continuer à attendre indéfiniment.» En tout cas, à chaque fois que le débat sur le développement des activités agricoles en zones rurales est lancé, l'allusion est vite faite aux dispositifs de soutien existants, comme la subvention des plantations, de la greffe d'arbres fruitiers ou les opérations incluses dans le cadre des PPDRI, mais les procédures administratives pour y parvenir sont tellement lourdes et compliquées que les populations locales préfèrent se contenter de peu de moyens dont elles disposent pour travailler leur terre. Pourtant, la volonté ne manque pas et les porteurs de projets sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à l'innovation dans le créneau de l'agriculture de montagne et la promotion des produits du terroir. L'unique réponse à la question du développement rural en Algérie est dans cette déclaration d'un analyste interrogé sur les retards en la matière : «C'est le résultat de la politique sectorielle qui fonctionne de haut en bas qui continue à nous mener à ce genre de situation : des investissements qui ne répondent pas aux besoins des localités. La solution est d'adopter une approche de développement économique local qui fonctionne de bas en haut en impliquant la population locale et qui mène à une meilleure satisfaction des besoins des localités.»