Ce n'est ni un gouvernement de réformes, lesquelles n'existent que dans le discours, ni un gouvernement qui viserait à donner au Premier ministre Sellal – qui a hérité quasiment de l'ensemble du cabinet de son prédécesseur Ahmed Ouyahia – une équipe à lui sur laquelle il pourra être jugé, ayant participé d'une manière ou d'une autre au choix de ses ministres. Ce n'est pas non plus un gouvernement de technocrates comme on l'entend traditionnellement, c'est-à-dire composé de compétences nationales chargées de conduire un programme de gouvernement avec des objectifs précis, chiffrés, quantifiés et étalés sur des délais matérialisés. Le qualificatif de «gouvernement de transition» ne sied pas également à la configuration de l'Exécutif qui compose le second cabinet de M. Sellal depuis sa nomination, voilà une année. Le même système politique est reconduit avec les mêmes hommes qui siègent, partent du gouvernement puis reviennent dans l'Exécutif et les autres institutions et corps de l'Etat dans un même mouvement astral dont le centre de gravité reste toujours le pôle présidentiel. Les changements opérés ici et là dans l'Exécutif et aux postes-clés des différentes sphères de décision ne sont que des réglages à l'intérieur du système, destinés à renforcer la cohésion de l'équipe au pouvoir face à la recomposition du champ politique avec les crises et les repositionnements qu'ont connus les partis de l'Alliance présidentielle : le FLN, le RND et le MSP. Quand on connaît le poids de certains ministres qui ont fait les frais de ce nouveau remaniement – des ministres présentés comme des personnalités influentes, proches de Bouteflika et du clan présidentiel –, leur éviction du gouvernement signifie, dans une première lecture, qu'ils n'ont plus la confiance de Bouteflika ou de Sellal, qui aurait inspiré le Président pour précipiter leur départ. Les nouveaux ministres qui les ont remplacés sont-ils plus dignes de confiance aux yeux de Bouteflika que leurs prédécesseurs ? Le changement ministériel opéré est-il dicté par le souci de s'entourer d'une équipe gouvernementale composée de ministres présentant un profil adapté à la nouvelle conjoncture politique du pays, marquée par la maladie de Bouteflika et les luttes au sein et en dehors du pouvoir autour de sa succession ? Un reformatage du logiciel du système politique en place, qui impose au clan présidentiel la mise en place d'un gouvernement de crise investi d'une mission stratégique dont l'action transcende les prérogatives classiques de l'Exécutif. La priorité du nouveau cabinet de M. Sellal – dont la durée de vie est conditionnée par les quelques courts mois qui nous séparent de l'élection présidentielle d'avril prochain – ce sera moins le social, les dossiers économiques ou encore les réformes politiques qui ne sont plus qu'un vague souvenir. On continuera bien évidemment à faire dans les effets d'annonce et les mesures populistes pour préserver la paix sociale et donner l'illusion d'une gouvernance normale. Mais le cap sera désormais fixé sur la présidentielle. C'est tout le sens des changements opérés au niveau des ministères de souveraineté : Défense, Intérieur, Justice, ou ayant un rôle important à jouer dans le dispositif électoral comme celui de la Communication.