Transition politique. Voilà un concept censé donner corps au renouveau algérien clamé, déclamé et réclamé depuis 1991 sans jamais trouver la voie de la concrétude. A chaque crise politique et à chaque craquement dans l'engrenage de la machine du régime, ce devoir éthique d'une transition pacifique et démocratique s'impose comme une exigence politique quasi indépassable. Et c'est précisément faute d'avoir tenté cette solution que l'impasse algérienne est devenue intégrale. Bouteflika, qui est censé couronner un processus de transition, certes boiteux, de Zeroual, a replacé l'Algérie à la case départ. Un rétropédalage politique en bonne et due forme. Après quinze ans de règne sans partage, il a réussi l'incroyable prouesse de dresser les Algériens les uns contre les autres. Le candidat du «consensus» s'est transformé en président du «dissensus» avec, en prime, une lubie presque jubilatoire d'humilier son peuple. Mais au risque de froisser les supporters stipendiés du mandat à vie, la «stabilité» de l'Algérie dont ils se gargarisent ne peut et ne pourrait être l'œuvre de Bouteflika. Il a eu le temps, l'argent et le soutien qu'il lui fallait. Mais il a tout dilapidé à cause de son refus obsessionnel d'écouter les autres. Tous ces acteurs politiques ont le cœur serré face à une Algérie qui rate les rendez-vous de l'histoire. Plus que jamais, la transition politique démocratique s'impose pour tourner définitivement la page des présidents issus des laboratoires du régime. Au crépuscule de sa carrière politique, voire de sa vie, Abdelaziz Bouteflika gagnerait, pour une fois, à se départir de sa réputation d'enfant gâté du système. Il doit cesser de faire passer son destin personnel au détriment de celui de tout le pays. Et de là où il est, il doit (sa)voir que les voyants sont au rouge en Algérie. Un pouvoir qui déplace un contingent de forces antiémeute pour bastonner quelques dizaines de jeunes, dont des femmes, «coupables» de s'opposer au 4e mandat, montre des signes de panique. Mais jusqu'à quand Bouteflika et son clan continueront-ils à tourner le dos à l'histoire ? Pourquoi refusent-ils d'entendre les voix de la raison qui les invitent à oser une transition politique douce, qui épargnerait au pays de mauvaises surprises ? C'est peut-être la première fois qu'un aréopage de personnalités politiques très différentes s'accorde à constater un blocage politique du système. Ce qui rassure aussi, c'est qu'il propose la même feuille de route. De Sadi à Djaballah en passant par Hamrouche, Soufiane Djilali, Makri et Zenati, un seul mot d'ordre : la transition. Certains l'appellent «consensus national», d'autres veulent une «conférence nationale», d'autres encore souhaitent un «dialogue national» ou une «transition démocratique». Mais force est de relever que la majorité des acteurs politiques crédibles, indépendamment de l'arithmétique du régime et de sa clientèle, est largement acquise à l'idée d'une transition politique. C'est la voie de la raison pour ceux qui sont tentés par le chantage à la stabilité.