18 MAI. Béjaia. A 14h et 17h. D'abord un roman. Une idée qui traversa l'esprit d'un écrivain, trublion à ses heures perdues. J'ai nommé Truman Capote. Frêle, chétif, petit génie ! Il découvre dans une colonne d'un journal un fait divers sanglant. Ça dit en substance : «Riche fermier et trois de sa famille tués. H. W. Clutter, sa femme et ses enfants découverts morts chez eux au Kansas». Quelque chose frappe le cœur de Capote. Il contacte son éditeur. Sa rédaction. Il se lève et décide d'aller dans cette ville où la tragédie vint poser ses bagages. Il en reviendra avec un livre, 8 millions d'exemplaires vendus et la fin de sa carrière. Ceci est une autre histoire. Entre- temps, le cinéma, subtile prostituée, se vend à la littérature, s'empare des mots de Capote, les enlace et finit par les pénétrer. Le géniteur et réalisateur ? Richard Brooks. Le petiot et le film ? De Sang-froid. Et la conclusion ? Un plaisir malin. Il faut aller voir ce film ne serait-ce que pour la sécheresse d'un plan, comprendre, qu'on peut faire du palpable avec rien. Car tout est épuré dans ce faux polar, tout est brièvement résumé sans pour autant que la narration craigne un «max». On ne voit rien et on devine tout. Les deux criminels, le journaliste, la violence poussée à son paroxysme, cette petite ville dont la tragédie frappa ses maisons. On ne voit rien, car notre humeur se tait quand les plans du cinéaste deviennent assourdissants de frénésie. Noir et blanc granuleux sur nos plaies, mots secs et crus de Capote, visage d'ange de ces deux tueurs et une caméra aussi malingre que famélique. Dans le jargon, on appelle ça : un chef- d'œuvre ! A la Cinémathèque.