Une nouvelle Constitution est annoncée par les plus hautes autorités du pays. Le projet n'est pas nouveau, puisqu'on annonçait cette Constitution depuis l'arrivée de l'actuel locataire d'El Mouradia. Cette fois-ci, il semble que les équilibres stratosphériques sont tels que le projet voulu par le président puisse passer au suffrage universel. La classe politique est comme à son habitude totalement absente des grandes étapes de ce pays, tétanisée par une représentativité quasi-nulle et neutralisée par une nature malsaine qui fait de la majorité des partis d'opposition, non des organes où se construisent des idées, des démarches, mais seulement des appareils politiciens au service d'ambition, de groupements d'intérêt, de tribalisme, de corporatisme… A quoi sert une Constitution, si ce n'est à définir les règles de fonctionnement des institutions du pays. A quoi servent ces règles si ne sont pas définis les rôles de ces institutions, dans un environnement politique en pleine mutation, à la réalité des structures sociopolitique prédominantes dans le monde actuel et aux réalités sociopolitiques d'une Algérie qui n'a que 44 ans d'indépendance. De par le monde, le modèle prédominant, aujourd'hui, est celui qui consacre la démocratie, cette démocratie qui permet l'émergence de consensus, d'équilibres salvateurs. Qu'en est-il des consensus et des équilibres en Algérie. Ils ne sont quasi jamais issus de la volonté populaire, même pas issus de modèles de développement qui s'affrontent pour produire un consensus nécessaire à la bonne marche du pays. Les équilibres chez nous sont plutôt constitués sur des bases médiévales, de clans, de tribus, de lutte de pouvoir. Ils sont reconstitués et en constante mutation dans les stratosphères, loin des peuples, loin des élites intellectuelles, loin des idées et des modèles de développement. L'Algérie des années 1970 est celle qui a consacré un régime et des institutions taillées sur mesure pour des « dictatures éclairées », ayant fait pour le développement de l'Algérie d'énormes progrès, mais ayant engendré des erreurs fatales pour le fonctionnement de l'« après-dictature éclairée ». Il est impératif d'éviter les même travers aujourd'hui et de redessiner sur des bases modernes le rôle des institutions, leur place et leurs règles de fonctionnement. Le régime présidentiel est une quasi-exception américaine, mu par une histoire politique spécifique, de fédéralisme, de bipolarisme, de post-monarchisme… Le fonctionnement politique des institutions dans ce modèle est celui qui permet de faire tendre les décisions vers le centre, le consensus, l'équilibre, entre forces politiques bipolaires qui ne semblent pas fondamentalement différentes. Les Etats-Unis d'Amérique ont cette particularité de pouvoir recentrer les décisions. Seuls de grands chocs ont déstabilisé ce recentrage systématique, mais c'est le fonctionnement propre du système politique américain. L'Algérie doit trouver son propre modèle, adapté à son histoire, à sa réalité sociopolitique, d'aujourd'hui, mais surtout de demain. Une Constitution est censée être pérenne et survivre au-delà des personnes qui la consacrent. Des vicissitudes d'une vie politique à la recherche d'équilibres perpétuels dans l'intérêt collectif. Elle a comme devoir de fonder les équilibres salvateurs d'aujourd'hui mais surtout de demain, des équilibres permettant des choix éclairés et partagés consacrant le développement du pays. Elle doit être garante d'un paysage politique réaliste, permettant de produire ces équilibres et ce consensus, qui survivent au degré de convictions, de force et l'abnégation des personnes censées l'incarner par le temps, garantissant un recentrage vers les voies jugées les plus adaptées aux défis du moment. Les institutions, produit de la Constitution, doivent consacrer ces principes salvateurs et pérennes, que cela soit la basse ou la haute chambre, elle doit permettre une représentativité des aspirations d'une nation, capable de recentrer les décisions. Qu'une chambre consacre le modèle majoritaire, l'autre proportionnelle, qu'une chambre consacre le suffrage direct, l'autre indirect, il est impératif de réfléchir à un fonctionnement qui garantisse la stabilité des institutions, au-delà des personnalités qui pourront l'incarner, dans l'intérêt général. La classe politique actuelle n'est pas celle qui garantit la stabilité future de ce pays. Il est impératif que la Constitution soit calquée sur un dosage politique visionnaire, permettant d'asseoir ce pays dans une ère de stabilité et de progrès. Pour une Algérie meilleure.