Pour voir les prix amorcer une remontée en 2015, il faudra attendre l'impact de la baisse des prix sur l'offre et la demande pétrolières mondiales. Une enquête de Reuters auprès de 30 économistes et analystes laisse présager une légère remontée des cours du pétrole brut dès le second semestre de 2015. La boule de cristal des prévisionnistes donne un prix moyen du baril de brent de 74 dollars en 2015 et de 80,30 dollars en 2016. Certains fondamentaux baissiers devraient se redresser dès l'été 2015, dont la demande mondiale et l'offre non Opep, appelée à s'adapter à la baisse des cours. Une chose est sûre, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) est à la charnière de deux époques. Elle, qui voulait résister avec opiniâtreté à l'arrivée du schiste, fait de la chute des prix son arme. Mais cette arme s'avère à double tranchant ; le pari fou des Saoudiens risque de mettre les marchés dans une longue période de fluctuation. Dans cette guerre que l'on veut contre le schiste américain et canadien, les Saoudiens poussent vers la contraction de la production non Opep, quitte à faire des dommages collatéraux. Et c'est cette baisse de l'offre non Opep qui provoquerait une légère remontée des prix dès l'été 2015, selon l'enquête de Reuters. «C'est possible, mais ce n'est pas garanti», estime, pour sa part, Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Energétiques, que nous avons contacté hier. L'expert est convaincu que pour voir les prix amorcer une remontée en 2015, il faudra attendre l'impact de la baisse des prix sur l'offre et la demande pétrolières mondiales. Or, cet impact «demande un peu de temps pour se concrétiser de façon significative». Autrement dit, les Saoudiens n'ont pas encore gagné la bataille. Il faudra plutôt attendre six mois encore. D'ici là, la nouvelle stratégie saoudienne fera sans nul doute du mal. Si le prix du baril de brent se maintiendrait autour de 60 dollars, l'Opep serait contrainte d'agir lors de sa réunion au niveau ministériel prévue le 5 juin 2015. Pour Francis Perrin, la nouvelle stratégie de l'Arabie Saoudite, qui consiste à faire chuter les prix pour permettre de relancer la consommation et de décourager la production de pétrole à coût élevé, se heurte, cependant, à une sérieuse marge de risque. «Certains pays non OPEP, tels que la Russie, le Mexique, la Norvège ou Oman par exemple, accepteront-ils de faire eux aussi des efforts ?» s'interroge-t-il, avant de conclure qu'une remontée des prix en 2015 «serait liée à une évolution des fondamentaux mais aussi à une réaction des pays producteurs». Les facteurs politiques, par définition difficilement prévisibles, peuvent aussi venir compliquer la donne, d'après le directeur de la rédaction de Pétrole et gaz arabes. Un exemple : un accord sur le programme nucléaire iranien pousserait les prix à la baisse. Second exemple : l'aggravation des crises politiques dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient stimulerait une hausse des cours. Les marchés sont ainsi entraînés dans une sérieuse période d'incertitudes. Des pays seront plumés à la machine infernale de la chute des prix.