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Faire peur aux opposants
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Publié dans El Watan le 06 - 01 - 2015

René Vautier chantant Min Djibalina, c'était avant-hier dans une des archives du JT de l'ENTV, un moment de grande émotion à faire pleurer. Le cinéaste français, auteur de L'Algérie en flammes, s'était engagé à fond pour la Révolution algérienne, mais à son décès, comme tout le long de sa vie, aucun hommage officiel digne de ce nom ne lui a été rendu par les hautes autorités officielles. C'est connu la mémoire des faits et des hommes qui ont marqué l'histoire, Algériens ou étrangers, est bien défaillante et surtout très sélective.
Au lieu de servir à éclairer les jeunes générations ; l'histoire est écrite avec une gomme ou pire, livrée aux calculs et aux règlements de comptes politiques. Comme l'est cette grotesque information judiciaire lancée contre Saïd Sadi pour des propos jugés diffamatoires contre Messali Hadj, Ali Kafi et Ben Bella. Ce qui devait relever strictement du travail d'historiens sera confié à des juges qui n'auront aucune qualification pour trancher sur la véracité de points extrêmement sensibles du passé que seule la science peut décrypter.
Ces juges, étrangement n'ont jamais été saisis antérieurement sur des propos de même nature que ceux tenus par Saïd Sadi ou sur des accusations bien plus graves encore tenues contre de hauts personnages de la guerre de libération, parmi eux d'illustres hommes, tels que Abane Ramdane. Mais cette affaire a toutes les chances de ne pas aller jusqu'au prétoire, car sa vocation est strictement politique : le pouvoir n'est pas soudainement animé de la volonté de défendre la mémoire et l'honneur de Messali Hadj (banni quasi officiellement jusqu'à aujourd'hui), de Ben Bella ou de Ali Kafi , mais son calcul est terre à terre : faire peur à Saïd Sadi qui reprend du poil de la bête, s'adresse aux populations, harcèle le régime en le mettant à nu sur sa désastreuse gouvernance.
Il s'agit aussi d'un signal fort aux autres opposants, pour qu'en 2015 ils ne viennent pas gêner les autorités dans l'entreprise en cours de trituration de la Constitution. Et qu'ils ne soient pas tentés de mettre à profit le climat de contestation sociale qui ne manquera pas de s'amplifier à longue échelle dans le pays à la faveur des mesures d'austérité liées à la crise pétrolière.
Le recours à l'instrumentalisation de la justice est devenu le reflexe le plus courant des décideurs. Tout récemment, parce qu'ils n'aiment pas Kamel Daoud (pour ses écrits sur Bouteflika), ils ont exigé de la justice qu'elle ne s'autosaisisse pas à l'appel au meurtre d'un salafiste contre l'écrivain alors que c'était de son devoir de le faire. Et bien entendu, c'est sur ordre d'en haut que traînent les graves dossiers de corruption, notamment ceux liés à Sonatrach et à l'autoroute Est-Ouest.
La justice, comme les autres institutions du pays, est vidée de sa légitimité par un régime qui ne fonctionne qu'autour d'un homme, le président de la République, dont le caractère autocratique s'est affiné au fur et à mesure de ses mandats successifs. Une des caricatures, la toute dernière, a été le congrès de l'UGTA dédié au chef de l'Etat et non aux travailleurs, manière de lui renvoyer l'ascenseur pour son soutien à l'organisation vidée de sa substance sur le terrain, et cela depuis bien longtemps, concurrencée par des syndicats autonomes plébiscités par la base pour leur combativité.
Réélu sans surprise par un congrès verrouillé, l'inamovible secrétaire général de l'UGTA, Sidi Saïd, est bien reconnaissant au président de la République pour son «exfiltration» de l'affaire Khalifa et de l'avoir laissé «prospérer» tant d'années à la tête de l'organisation. Benhamouda n'arrête pas de se retourner dans sa tombe.


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