Aujourd'hui, 3 mai, est célébrée partout à travers le monde la Journée internationale de la liberté de la presse. Y compris, suprême paradoxe, dans les pays comme l'Algérie où il ne fait pas bon d'être journaliste et média libres. Pour la presse algérienne, un quart de siècle après les réformes introduites dans le secteur sous le gouvernement de Mouloud Hamrouche, le chemin est encore long et parsemé d'embûches pour enraciner le principe de la liberté de la presse dans la vie nationale. A l'instar des partis politiques durant toutes ces années et, de manière plus marquée encore, depuis l'arrivée de Bouteflika aux affaires en 1999, le pouvoir a joué sur la division de la corporation. En opposant des titres privés qui lui sont dévoués ainsi que les médias étatiques détournés de leur vocation de service public aux journaux privés, peu nombreux, qui refusent de marchander leur ligne éditoriale. L'avènement des télévisions privées à la faveur de l'ouverture anarchique mais politiquement contrôlée et bien encadrée par le pouvoir a montré, à l'épreuve du terrain, que l'objectif d'«ouverture» de l'audiovisuel obéissait à une feuille de route du système. Laquelle a été mise en œuvre, avec la violence que l'on sait, lors de la dernière élection présidentielle et se poursuit encore aujourd'hui dans l'esprit de la même lettre de mission. Comment dès lors être fiers aujourd'hui de ce qui a été réalisé au profit du secteur quand on sait que des journalistes et des blogueurs sont en prison, qu'une censure de plus en plus féroce s'exerce sur les médias, presse écrite et audiovisuelle, comme on l'a vu avec la suspension, il y a quelques jours, de l'émission politique critique de la chaîne Al Djazaïria ? Comment être optimiste pour l'avenir de la presse libre lorsque l'on sait que son oraison funèbre est en train de s'écrire par des esprits malveillants, tapis dans les sphères du pouvoir, qui cherchent, par de vils procédés, à atteindre au cœur les journaux indépendants en asséchant leurs sources de financement, notamment les recettes publicitaires ? Au nom d'un suspect combat pour le respect de l'éthique et de la déontologie, on dicte, sur le ton de la menace assumée publiquement, aux annonceurs privés nationaux et étrangers ainsi qu'aux annonceurs publics le choix des supports médiatiques pour leur publicité. En dépit de toutes ces manœuvres, le plan de mise à mort programmée de la presse indépendante a lamentablement échoué. La résistance des collectifs des journaux ciblés, alliée à la confiance renouvelée des lecteurs et des annonceurs qui continuent, malgré les pressions et les campagnes de dénigrement, à acheter ces journaux comme le confirment les niveaux appréciables et stables des tirages et des ventes et à leur confier leur publicité est certainement la meilleure riposte contre l'entreprise de destruction de la presse indépendante. Tant que les Etats-Unis et les capitales occidentales influentes se taisent sur les atteintes à la liberté de la presse, le pouvoir peut continuer son jeu de massacre. En toute quiétude. Et ce ne sont pas les rapports accablants des organismes internationaux de défense de la liberté de la presse, où l'Algérie ferme toujours la marche aux côtés de pays peu recommandables, qui pourront y changer quelque chose !