Le Pr Maurice Reygasse avait cependant indiqué, en 1932 (voir la bibliographie), que l'aménokal Si Akhamouk Ag Iema lui avait signalé en 1928 l'existence des "grottes du Mertoutek", en particulier celle des «Hommes casqués» de Timalain-Ti-n-Afela. Lors d'une conversation récente avec Mohamed Rouani, membre de la Rahla, nous avons appris que les Kel Mertoutek connaissaient depuis longtemps l'existence de ces représentations, en particulier humaines, peintes dans leurs montagnes. Ceci, bien entendu, très longtemps avant que l'aménokal Akhamouk les dévoile au préhistorien Reygasse et que Kilian l'apprenne, sans être sûr de leurs dires, par des Touareg rencontrés. Les Kel Mertoutek les attribuaient aux Kel Esuf, les «génies de la solitude», souvent malfaisants, et craignaient énormément de les offenser en parlant à quiconque de ces peintures, appelées tifinagh, tout comme les caractères de l'écriture touareg. D'autre part, le refuge de ces Kel Esuf étant de tradition la Garet El Djenoun, Udan des Touareg, les locaux n'osaient pas s'en approcher, faisant le lien avec ces écrits sur roche. Vraisemblablement, les Iseqemaren – en particulier leur fraction Kel Uhet – étaient eux aussi parfaitement au courant de ces peintures et, comme nous le précisait Mohamed Rouani, ce n'était d'ailleurs pas seulement à Mertoutek que les Touareg ayant vu des peintures craignaient les représailles des Kel Esuf s'ils ne tenaient pas leur langue. Par contre, les gravures, avait-il ajouté, n'engendraient pas de peur. On peut penser qu'elles étaient plus faciles à interpréter parce qu'elles représentaient en général des animaux parfaitement reconnaissables et qu'elles n'étaient pas vues comme une écriture ésotérique prêtée aux peintures. On peut estimer que le pouvoir caché des peintures a pu aider en partie à leur conservation. En conclusion, on peut assurer que des peintures du bassin de l'oued Mertoutek étaient bien connues des Kel Mertoutek depuis toujours puisqu'ils faisaient pâturer leurs troupeaux en altitude et qu'ils y chassaient le mouflon, qu'en 1928, Reygasse fut mis au courant par Akhamouk de la présence de ces tifinargh et que le préhistorien écrivit cette nouvelle dans un ouvrage en 1932 ; enfin, que Kilian, informé lui aussi (on ignore à quelle date), en fit part au capitaine Coche, ce qui permit aux membres de la mission qu'il dirigeait d'être les premiers Européens à les voir en 1935.