Arrêté dans la matinée du mercredi 18 janvier alors qu'il accompagnait son jeune frère à l'hôpital, le blogueur Touati Merzoug est accusé «d'intelligence avec une puissance étrangère» pour avoir publié, le 9 janvier dernier, un entretien avec un individu présenté comme étant un diplomate israélien, sur le blog Al Hogra . Selon Me Ikken Sofiane, avocat affilié à la Ligue algérienne des drois de l'homme (LADDH), qui l'a rencontré ce jeudi à la prison d'El Khemis, à Béjaïa, où il se trouve en détention depuis le 25 janvier dernier, son client est «profondément affecté et choqué par son arrestation et sa mise sous mandat de dépôt», auxquelles il était loin de s'attendre. «Je me suis présenté ce jeudi au niveau du tribunal de Béjaïa en vue de prendre connaissance du dossier de mon client et j'ai été informé que ce dossier est toujours en cours d'instruction et n'est donc pas prêt. Il le sera probablement en cours de semaine prochaine, mais j'ai pu prendre connaissance des chefs d'inculpation d'après l'attestation d'appel contre l'ordonnance de mandat de dépôt», affirme Sofiane Ikken. Il en ressort que Touati Merzoug a été inculpé principalement en vertu de l'article 71 du code pénal, alinéa 3, qui prévoit une peine de 10 à 20 ans de prison pour quiconque se rend coupable «d'entretien avec les agents d'une puissance étrangère, d'intelligence de nature à nuire à la situation diplomatique ou militaire de l'Algérie». Selon Me Ikken, dans la qualification du chef d'inculpation, le «militaire» a cependant été abandonné pour ne retenir que «la situation diplomatique» dans le cas de son client. Touati Merzoug est également poursuivi pour «incitation de la population au port d'arme contre l'Etat et incitation à l'attroupement armé contre l'Etat». A cela s'ajoute un autre chef d'inculpation pour lequel il encourt de 1 à 5 ans de prison pour «provocation directe par les mêmes moyens (discours proféré publiquement, affiché ou imprimé) incitant à un attroupement armé». Selon son avocat, étant originaire de Bousselam, dans la wilaya de Sétif, tout comme Slimane Bouhafs, Touati Merzoug a été longuement interrogé sur d'éventuels liens qu'il aurait avec l'ex-policier de confession chrétienne qui purge actuellement une peine de 3 ans de prison pour «atteinte à l'islam et au Prophète Mohamed» sur la foi de publications partagées sur facebook. Touati Merzoug est diplômé Master II en monnaie banques, environnement international, DEA en commerce international. En chômage depuis la fin de ses études universitaires, il travaille comme manœuvre dans des chantiers de bâtiment. D'après son avocat, il se définit lui-même comme «un militant qui suit de près la situation politique du pays». «J'ai du respect pour les institutions du pays et les lois de la République, mais je m'oppose à des pratiques politiques et à des modes de gestion», a-t-il affirmé à son avocat. Toujours selon son avocat, en interviewant un responsable israélien, la démarche de Touati Merzoug était de battre en brèche l'idée de «la main étrangère», souvent mise en avant par de hauts responsables algériens à chaque émeute ou manifestation citoyenne contre les autorités du pays. La dernière en date étant le commentaire du ministre du Logement Abdelmadjid Tebboune qui avait évoqué l'existence de «main étrangère derrière les émeutes qui ont secoué la ville de Béjaïa». Toutefois, il semblerait que l'affirmation du «diplomate israélien» interviewé, dans laquelle il soutenait que l'Algérie disposait d'un «bureau de liaison» israélien avant l'An 2000 et l'agression israélienne contre la bande de Ghaza ait fortement irrité en haut lieu. Sans le vouloir, Touati Merzoug a peut-être jeté un pavé dans la mare. «Touati Merzoug est un jeune patriote soucieux de l'avenir et du devenir de son pays. Voilà le profil d'un militant qui se trouve aujourd'hui derrière les barreaux», affirme au final Me Ikken qui se dit toutefois confiant en la justice malgré les lourdes menaces qui pèsent sur son client.