Marine Le Pen serait-elle la prochaine locataire de l'Elysée ? Une hypothèse qui donne des sueurs froides à gauche et à droite. Face aux difficultés de ses adversaires, Marine Le Pen jubile. La chute de popularité de François Fillon (candidat LR), empêtré dans l'affaire des emplois présumés fictifs de son épouse et de ses enfants ne pouvait mieux tomber pour la présidente du FN. Que Macron suscite la polémique à droite et à l'extrême droite pour ses propos sur la colonisation la qualifiant de crime contre l'humanité, voilà une autre aubaine pour celle que les sondages donnent en tête du 1er tour de la présidentielle française. Elle-même est au cœur de plusieurs affaires, notamment l'information judiciaire qui vise l'emploi de plusieurs assistants parlementaires européens frontistes, ou encore le procès en correctionnelle qui attend une date sur les campagnes électorales 2012 du FN, mais cela n'a aucun effet sur son électorat. Un électorat stable et déterminé qui lui est fidèle. La présidente du FN se veut la «candidate de la France du peuple» face à «la droite (François Fillon) et la gauche du fric» (Emmanuel Macron). La candidate du parti d'extrême droite ambitionne aussi d'être l'actrice d'une «grande recomposition politique» en accueillant «tous les patriotes». «Avant le premier tour, entre le premier et le second tour ou au lendemain de la victoire», a-t-elle précisé. Elue, elle en appellerait à tous les «patriotes», de droite ou de gauche, afin de former «un gouvernement d'union nationale». Changement formel Depuis qu'elle a succédé à son père à la tête du FN, Marine Le Pen a érigé la dédiabolisation de son parti en stratégie de conquête du pouvoir, ouvert ses rangs à de nouveaux cadres, à l'instar de Philippot. Ainsi, pour les besoins de sa campagne présidentielle, la candidate du FN se présente sous le vocable de Rassemblement bleu marine, a gommé son nom des affiches et banderoles, à odeur de soufre, pour ne garder que le prénom. Elle a lissé son apparence physique, affichant un sourire de commande, adoptant un vocabulaire polissé, et empruntant à la gauche ses thèmes sociaux. Toutefois, malgré ce lifting formel, les fondamentaux sont toujours là. Et le Front national n'est pas pour autant un parti républicain. «Quand on a pour dessein d'inscrire la préférence nationale dans la Constitution, on ne s'oppose pas seulement à l'application, déjà bien malmenée, de la devise républicaine ‘‘Liberté, égalité, fraternité'', on fait voler en éclats sa philosophie même», rappelle Politis qui consacre un dossier au Front national dans son dernier numéro (du 15 au 22 février). En effet, selon Marine Le Pen, la devise républicaine, «liberté, égalité, fraternité», « procède d'une sécularisation de principes issus de notre héritage chrétien» ; «des valeurs chrétiennes dévoyées par la Révolution française» et qu'il s'agirait de retrouver. Aussi a-t-elle promis d'inscrire la «priorité nationale» dans la Constitution. Préférence nationale Marine Le Pen a affirmé dans un rassemblement vendredi dernier à Clairvaux-les-Lacs (Jura) que le slogan frontiste, «On est chez nous», était «un cri du cœur, un cri d'amour», appelant les Français à «défendre» le «patrimoine» qui leur «appartient». Et cela en réponse au film de Lucas Belvaux qui analyse les ressorts du Front national. S'adressant à ses supporters, elle ajoute : «Vous êtes propriétaires de la France. Vous n'êtes pas des locataires, vous n'êtes pas des occupants sans droit ni titre. Ceci entraîne beaucoup de devoirs, mais aussi tout de même des droits, que je vais rétablir.» «Le droit à avoir prioritairement un emploi en France quand on est Français, à avoir prioritairement accès à un logement social quand on est Français… J'assume de faire passer les miens avant les autres.» «Je suis là aussi pour défendre votre patrimoine immatériel (...) à vous Français», «langue, culture, drapeau, organisation sociale, mœurs, règles, codes, valeurs... Tout cela vous appartient.» «Petit à petit, notre identité nationale est attaquée, rongée, érodée par le communautarisme qui se diffuse partout, par le fondamentalisme islamiste.» Dans son programme (qu'elle a présenté le 5 février dernier à Lyon) la candidate du FN s'est engagée à rendre impossible la régularisation des clandestins et leur naturalisation, à expulser les délinquants étrangers, à reconduire à la frontière les étrangers fichés S, à déchoir de leur nationalité les binationaux fichés S avant de les expulser. Marine Le Pen entend par ailleurs «dissoudre les organismes de toute nature liés aux fondamentalistes islamistes», «fermer toutes les mosquées extrémistes», interdire le financement étranger des lieux de culte ainsi que «tout financement public». La dirigeante du parti d'extrême droite s'est notamment engagée, en cas de victoire à la présidentielle, à étendre la laïcité «à l'ensemble de l'espace public», en y interdisant les signes religieux ostentatoires, allant au-delà de laïcité définie par la loi de 1905. Son programme (144 mesures) comprend également la suppression du droit du sol et de la double nationalité extra-européenne, le rétablissement des frontières nationales et la réduction de l'immigration légale à 10 000…