Alors que les prétentions russes et américaines pourraient internationaliser davantage la crise, le ministre algérien des Affaires maghrébines a entamé hier une tournée en Libye pour rappeler que la priorité doit être donnée au dialogue politique. «Pas d'alternative au règlement politique» : au premier jour de sa tournée en Libye, le ministre des Affaires maghrébines, Abdelkader Messahel, où il s'est entretenu avec le maréchal Haftar et avec Akila Salah, le président du Parlement libyen, a rappelé la position algérienne en faveur d'une solution diplomatique à la crise qui gangrène la Libye. Alors que la situation laisse entrevoir une interférence de plus en plus grande des Russes et des Américains dans un scénario de conflit internationalisé à l'image du conflit syrien, Abdelkader Messahel a également insisté sur «l'impératif soutien au dialogue libyen loin de toute ingérence étrangère». La semaine dernière, le quotidien britannique The Guardian révélait qu'un haut conseiller de Donald Trump chargé de la politique étrangère à la Maison-Blanche aurait soumis un plan de partition de la Libye. Ce plan prévoit de diviser le pays en trois parties en s'inspirant du découpage ottoman, basé sur trois provinces : la Tripolitaine au nord-ouest, le Fezzan au sud-ouest et la Cyrénaïque à l'est, sur une bande allant du nord au sud. Un accord pour remplacer Skhirat A Zintan, à 200 kilomètres au sud de Tripoli, le ministre des Affaires maghrébines s'est dit «porteur d'un message d'espoir» de la part de l'Algérie qui ne souhaite pas voir «la tragédie du terrorisme se reproduire en Libye», en insistant sur l'intérêt d'une politique de réconciliation nationale à l'image de celle qu'a mise en place l'Algérie, «une politique judicieuse, l'Algérie jouit aujourd'hui de la paix, de la sécurité et de la stabilité». Des notables et des personnalités locales de l'Est libyen se sont félicités des efforts déployés par l'Algérie pour rapprocher les positions et les points de vue entre les différentes parties libyennes. Saad Rekrek, coordinateur de la grande zone de Benghazi, a soutenu que «les citoyens à Benghazi sont pour un dialogue réel et sérieux regroupant l'ensemble des protagonistes libyens», ajoutant : «Nous admettons que toutes les parties libyennes sont en droit d'exprimer leurs revendications et leurs préoccupations, mais le dialogue doit être entre les Libyens seuls.» La politique de réconciliation est un des aspects qui avaient été abordés par Alger en février dernier, lors d'un rapprochement avec Tunis et Le Caire, pour mettre au point une plateforme de propositions en vue d'un nouvel accord qui remplacerait celui de Skhirat. Malgré les réticences de Abdel Fattah Al Sissi de voir les groupes islamistes armés s'asseoir à la table des négociations, les discussions avançaient. Cependant, selon des sources diplomatiques, Washington aurait demandé aux partenaires de la région d'attendre que le président Donald Trump étudie de plus près le dossier libyen. Mais pour le Premier ministre Fayez Al Sarraj, le rapport de force avec les forces du maréchal Haftar, son rival, tourne en sa défaveur. A Sebha, la capitale du Fezzan, à plus de 600 kilomètres de la capitale, l'Armée nationale libyenne de Haftar a attaqué, cette semaine, la base aérienne de Tamanhent, où se trouvent les hommes du Gouvernement d'union nationale, des brigades pour la plupart venues de Misrata. Convoitée pour sa position stratégique, cette base a été bombardée par les forces aériennes de l'ANL qui a annoncé une offensive terrestre pour prendre le contrôle du site militaire. Accords précaires entre tribus Le Premier ministre, Fayez Al Sarraj, a appelé dans une lettre adressée notamment à l'Union européenne, l'ONU et la Ligue arabe, à une «intervention urgente» de la communauté internationale pour mettre fin à l'escalade militaire dans le Sud. En évoquant l'attaque de Haftar dans le Sud, Al Sarraj parle d'une «escalade soudaine et injustifiée» qui risque de «saborder le processus politique». Depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011, le Sud libyen est le théâtre d'affrontements entre la communauté toboue et plusieurs tribus arabes pour le contrôle des routes transfrontalières, par lesquelles transitent produits manufacturés, vivres, bétail mais aussi migrants, cigarettes, drogue et armes. Début avril, les tribus ont signé un accord de paix sous le patronage de Abdelsalam Kejman, vice-Premier ministre du GNA, qui prévoit un contrôle des 5000 kilomètres de frontière du Sud, où agissent notamment des passeurs de migrants. Mais quelques jours plus tard, l'Assemblée nationale toboue a rejeté cet accord, les signataires tobous n'étant, à ses yeux, pas représentatifs, car ils étaient de Qatrun alors que les affrontements entre les trois communautés avaient lieu dans trois autres localités, Mourzouk, Sebha et Oubari. La situation n'est pas plus brillante à Tripoli où le GNA semble perdre chaque jour un peu plus le contrôle en dépit de cessez-le-feu obtenus avec les milices. Mi-mars, les habitants, fatigués par les affrontements et le diktat des milices sur leur vie quotidienne, sont descendus par milliers dans les rues pour réclamer une police et une armée forte.