La tonalité de la campagne électorale pour les législatives de ce 4 mai, qui a pris fin dimanche, n'a pas globalement dérogé à une règle bien établie qui renvoie à l'état réel de l'expression démocratique dans le pays. Hormis deux ou trois partis connus pour leur ligne critique vis-à-vis du pouvoir, tout le reste de la classe politique partie prenante de ce scrutin est à l'avenant. La campagne électorale a pris l'allure d'un immense bazar à la criée où tout se marchande : les candidats, les foules pour remplir les salles des meetings, les programmes électoraux où la surenchère et le populisme font office de doctrine programmatique... Les discours électoralistes qui ont structuré la campagne apparaissent, en effet, décalés et hors temps par rapport aux réalités politiques, économiques, sociales et culturelles que vit le pays et aux défis qui le guettent. Quand un chef de parti, le Fln en l'occurrence, annonce sûr de son fait qu'il table sur 22 postes ministériels dans le prochain gouvernement, promettant dans les wilayas visitées des projets structurants, on n'est plus dans la compétition politique qui implique le parler vrai et le respect des électeurs et des citoyens, mais carrément dans la pêche aux voix à la dynamite. L'éthique a déserté les rangs d'une large frange de la classe politique qui s'est bornée à vendre aux électeurs des mensonges et des rêves insensés et tout bonnement irréalisables. C'est le même discours porté par la même classe politique, les saisonniers de la politique parmi la noria de petits partis sans base militante qui se donnent de la voix sans autre ambition que celle d'être vus à la télévision et se faire un coup de pub. Comme si le temps avait suspendu son envol en Algérie et que l'horloge s'est arrêtée aux dernières décennies. Il est politiquement plus confortable pour un chef de parti qui pâture dans les prés du pouvoir en l'assumant ouvertement ou qui se drape du manteau du vrai-faux opposant prêt au compromis de focaliser son discours de campagne sur le constat de la situation dans laquelle se trouve le pays en relevant les dysfonctionnements, en tapant sur les élus, l'administration, les ministres… Mais ce «courage» et cette «bravoure» qui peuvent faire illusion auprès de l'électorat non averti ne vont pas plus loin pour s'attaquer aux causes du mal : au système de gouvernance du pays. Ce thème majeur avait donné lieu à de chauds débats avant le lancement de la campagne électorale à travers, notamment, la création de la Coordination nationale de la transition démocratique, dont les animateurs ont décidé de boycotter le scrutin de jeudi prochain. Cette question sensible, qui fâche le pouvoir de la vacance à la tête de l'Etat du fait de la maladie du Président, a été mise sous l'éteignoir durant la campagne électorale. Tout comme le bilan du chef de l'Etat qui est aussi celui de la majorité présidentielle et parlementaire que l'on prend soin de ne pas associer à celui, fort critiquable du gouvernement, pour ne pas gêner le président Bouteflika. Parce que nous sommes dans un régime présidentiel, le bilan d'étape du mandat présidentiel s'invitait pourtant naturellement dans cette campagne. Ce débat a été occulté. Mais il sera difficile de ne pas l'engager dans les prochains mois, à mesure que l'on se rapproche de l'échéance de la présidentielle.