C'est une victoire sans fête. Un soulagement sans joie. Les résultats ont été accueillis de façon mitigée. Les habitants étaient heureux de voir le leader de l'extrême droite relégué loin derrière, mais constater que Nicolas Sarkozy mène la course devant ne fait pas beaucoup d'heureux. Paris. De notre bureau Avec un petit bémol : le président de l'UMP n'a pas beaucoup de capacités de rassemblement. « Grillé par son discours musclé ». « On est rassuré sur les 10% de Le Pen, ça montre que ce qui s'est passé en 2002 était une erreur de parcours », se réjouit Samir Mihi, l'un des porte-parole du collectif AC le feu, créé dans la foulée des émeutes urbaines de 2005 pour inciter les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales. Les associations tirent un bilan positif de leurs actions. En labourant les banlieues à la recherche des jeunes ayant fui les urnes ou ne s'y étant jamais rendu, elles ont pu créer un dynamisme sans précédent pour les inscriptions sur les listes électorales. A Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où les électeurs n'ont jamais été aussi nombreux (81,2% de participation, contre 62,31% en 2002), les militants d'AC le feu s'étaient réunis autour d'un barbecue pour commenter les résultats et se féliciter « de l'éveil des consciences ». « Il ne va pas falloir maintenant que la mobilisation retombe, on va veiller à ce que tout le monde reste mobilisé », poursuit Samir Mihi. Car tous les indicateurs ne sont pas au vert. Pour les associations, le Tout sauf Sarkozy a commencé dès l'annonce des résultats. Les militants n'ont pas soldé leurs comptes avec l'ancien ministre de l'Intérieur. « Nous avons voté Ségolène Royal sans excès d'enthousiasme. Nous revoterons pour elle, avec le même scepticisme mais nous le ferons. Nous ne voulons pas d'un président qui gouvernera par la confrontation, les rapports de force, les CRS. En clair, nous ne voulons pas d'un super ministre de l'Intérieur mais d'un président qui cherchera le compromis et l'apaisement. Nous avons marre d'être humiliés », explique Arezki en brandissant les chiffres de sa commune. La Courneuve, là où Nicolas Sarkozy a parlé la première fois de Kärcher, a envoyé un signal très fort. La candidate socialiste a récolté près du double des voix de l'ancien locataire de la Place Beauvau. Le Tout sauf Sarkozy a commencé déjà à circuler dans les banlieues populaires qui ont voté pour la plupart pour la candidate socialiste, parfois au détriment des autres candidatures de gauche qui ont payé chèrement le « vote utile ». Le discours d'apaisement de Nicolas Sarkozy après l'annonce des résultats semble peu audible. Il ne semble pas avoir convaincu les associations. Pour Rost, rappeur et fondateur de l'association Banlieues actives, qui a édité un « Guide du votant » pour les jeunes des cités, « Sarkozy ne pourra pas balayer d'un revers de la main tout le mépris qu'il a semé. Il ne pourra pas nous rassembler car le mal est fait. Avec lui il y aura deux France, c'est le contraire du rassemblement ». Il appelle « toutes les forces progressistes à faire barrage » à Sarkozy. Même engagement clair de Mohamed Chirani, président de Votez banlieues, qui appelle à voter Royal. « Sarkozy c'est le contraire du rassemblement, c'est le candidat de la crispation qui cristallise les haines françaises. Si Sarkozy est élu, les banlieues vont flamber, s'il perd, elles fêteront ça comme la victoire de l'équipe de France en 1998 ». Les associations se donnent un ultime mot d'ordre pour cette présidentielle. Maintenir la mobilisation le 6 mai prochain, faire en sorte que les électeurs ne boudent plus les urnes. D'autant plus que les législatives se rapprochent.