Tel le phénix qui renaît de ses cendres, le Centre de distribution cinématographique (CDC) va secouer durant un mois, l'espace audiovisuel... asthénique. Cela préjuge évidemment de gros efforts pour ragaillardir un cinéma, qui se réinsère tant bien que mal dans la société au gré de la tradition et le prolongement des soirées du Ramadhan. Le CDC entame sur les chapeaux de roues, d'une cabine montée sur un camion, une belle aventure du grand écran. La manifestation est menée de concert avec l'apc d'Alger-Centre, dans le cadre des festivités du cinquantième anniversaire de la Révolution de Novembre 1954. Le CDC multiplie ainsi les projections cinématographiques en plein air, pour combler en direct et sous les caméras, les sous-usages de culture dont souffrent nos salles de cinéma, tombées depuis des lustres en déliquescence. Le Ramadhan constitue une chance pour une équipe de techniciens, qui passe allégrement du noir d'un statut hypothétique au blanc de quelques instants de ravissement. Donc, loin de s'avouer vaincu, le doyen du cinéma est en train d'établir les passerelles pour réconcilier vaille que vaille le public algérien avec son cinérama. Sur l'esplanade de la Grande-Poste, c'est la cohue. Et pour cause, le programme est attrayant et narre la filmothèque algérienne authentique. Les séances se déroulent du 12 octobre jusqu'au 11 novembre avec en prime time le sacro- saint principe « Une soirée, un film ». Le public du CDC est formé essentiellement d'une foule compacte de jeunes, venus de tous les quartiers de la capitale. Ce public, pour la plupart juvénile, découvre pour la première fois les grands classiques du cinéma algérien. Réda et ses copains sont des mordus des comédies de nos chers disparus, les regrettés Hadj Abderrahame et Yahia Benmabrouk, autrement dit « l'inspecteur Tahar et son indissociable apprenti » : « J'aime venir au cinéma taâ el hite pour m'éclater aux côtés de mes camarades. L'ambiance est bonne et cela nous change des soirées passées en famille. » Le regretté Rouiched tient également le haut de l'affiche dans le cœur de ses fans. Il y a aussi l'inamovible galerie des riverains, auquel se greffe une brochette de retraités et un peloton de... sdf. Une influence record a été enregistrée durant toutes ces soirées de la première quinzaine du Ramadhan. La touche du professionnalisme n'est pas en reste, grâce à la musique chaâbi (musique populaire) diffusée par les haut-parleurs. C'est à peu près la renaissance de l'entracte avant l'extinction des lumières, qui auguraient naguère le générique du spectacle. Et dire qu'à quelques pas de là, notamment à la rue Larbi Ben M'hidi, des salles de spectacles aux enseignes jadis prodigieuses continuent de broyer du noir. Le cinéma algérien n'a pas encore fini de manger son pain noir. C'est une triste époque, pour un public « d'ados » qui ne connaîtra jamais ce qu'est le décor feutré d'un hall de cinéma. Le cinéma algérien et son glorieux palmarès des prix du lion d'or de Venise, discerné à un cas d'école en l'occurrence La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo et la palme d'or du Festival de Cannes, reconnu au film Chronique des années de braises de Mohamed Lakhdar Hamina se résolvent la mort dans l'âme à faire de la figuration dans le cinéma « taâ el hite ». Nous aurions souhaité l'apport de M. Semiane, directeur général du Cdc, avec lequel nous avions convenu d'un rendez-vous. Malheureusement, ce pionnier du 7e art était pris dans les préparatifs du cinéma de projection en plein air. Nous y reviendrons.