Les avocats du barreau d'Alger sont en grève, que pensez-vous de cette action ? En tant qu'avocat, je me solidarise et prend part à cette action. Toutefois, je dénonce le fait que des menaces soient proférées à l'encontre des avocats qui n'ont pas pris part à la grève. Il est tout à fait de leur droit de demander des explications sur les revendications émises par le barreau. Ces revendications sont non seulement pas explicites, mais je pense que les préoccupations des avocats dépassent largement le problème de parking et de locaux. Les revendications ne répondent donc pas aux attentes des avocats ? Je pense que le barreau doit aller vers l'essentiel. Nous exerçons notre profession dans des conditions terribles. Les revendications doivent être claires et il faut les inscrire en dehors du champ politique. Et de ce fait, on n'a pas le droit d'attendre certains évènements pour se prononcer, tels que les élections législatives, le remaniement du gouvernement, etc. En un mot, nous constituons un ordre professionnel. Maintenant, chaque avocat a le droit de faire de la politique en dehors du barreau, comme tout citoyen. Pour ma part, je ne confonds jamais ma robe d'avocat et mes convictions politiques. Quelles sont les préoccupations essentielles qui entravent l'exercice de la profession d'avocat ? Les problèmes des avocats sont ceux qui touchent aux justiciables. Pour commencer, se pose d'abord le problème de la garde à vue. Le fait est qu'une personne gardée à vue n'a pas le droit de contacter un avocat. Il existe des textes sur lesquels nous devons travailler pour faire avancer les choses. Autres problèmes, ceux que nous rencontrons pendant l'instruction judiciaire. Il y a des moments où on n'a pas accès aux dossiers, ou encore on n'est pas convoqué à temps pour assister un justiciable, il y a des procès qui n'aboutissent pas. Il y a des décisions de justice définitives qu'on n'arrive pas à faire exécuter parce qu'en face, il y a un entrepreneur, une personnalité, des privilégiés. Croyez-moi, j'ai fait des démarches pour faire exécuter des décisions de justice, mais cela fait plus de six mois qu'on ne voit pas le bout du tunnel. On est arrivés même à saisir le ministère, et c'est toujours l'impasse. A quoi répond un tel déni des droits de la défense ? Je pense qu'il y a un système judiciaire qui obéit au système politique. Les problèmes de la défense ne tiennent pas forcément du seul ressort des magistrats. Mais plutôt de l'administration de la justice à tous les niveaux. On parle de la réforme de la justice, mais il ne suffit pas de délivrer un certificat de nationalité le jour même de sa demande pour dire qu'on a atteint notre objectif. Si on veut réformer la justice on doit aller au fond des problèmes. On ne doit pas se contenter d'une petite réformette de procédures ou de terminologies. Maintenant, la question fondamentale pour les avocats demeure le statut. Il existe un projet qui est bloqué au niveau du ministère. Est-ce la faute au ministère ou au barreau ? Je n'en sais pas grand-chose. Mais ce qui est certain, c'est qu'il est plus que temps de donner un nouveau souffle aux avocats. Et je demande un débat au niveau de la profession sur le futur statut, on n'a pas le droit d'accepter un statut sans débat, parce que tous les avocats sont concernés. Je pense que les problèmes d'un jeune avocat ne sont pas forcément les mêmes que ceux de quelqu'un qui a exercé pendant une trentaine d'années, qui a déjà un cabinet et une clientèle. Il faut savoir qu'il y a des avocats qui travaillent dans des conditions très pénibles. J'en connais qui n'arrivent pas à avoir un seul dossier par mois, et n'arrivent même pas à avoir des honoraires pour payer le loyer ou le téléphone. Une fois le statut adopté, on arrivera, je pense, à régler quelques problèmes, encore faut-il s'attaquer aux causes réelles et non pas aux conséquences.