Le prix de la baguette de pain n'a pas varié depuis 1996 où l'on pouvait l'acheter dans n'importe quelle boulangerie à 7,50 DA. Du moins en théorie. Car la vérité est toute autre puisque la quasi-majorité des boulangers, après avoir livré du pain au « peuple » pendant les premières heures de la matinée, deviennent pourvoyeurs des vendeurs de baguettes à la sauvette qui hantent toutes les rues et ruelles d'Algérie. Mais depuis trois années, et à cause d'une inflation importée, le prix de la baguette tend vers une hausse qui ne dit pas son nom. Les textes sont encore là pour réguler un marché du pain en pleine débandade, car bienheureux celui qui pourrait se procurer une baguette au prix officiel. Les prix vont de 8 DA jusqu'à 50, officialisant des augmentations que les boulangers argumentent par la variété diverse du produit proposé à la clientèle. « Il est normal que la baguette de semoule se vende plus cher que celle à la farine panée », nous dira un boulanger constantinois, affilié à l'association des boulangers d'Algérie. Ce qui l'est moins, c'est quand ce prix varie du simple au triple puisque la baguette à la semoule se négocie jusqu'à 20 DA. Hélas, la situation ne cesse d'empirer quand on jette un coup d'œil sur le prix de la tonne de blé sur les cours mondiaux. Le blé dur se négocie dans différentes bourses de la planète autour de 270 euros la tonne et la tendance à la hausse ne cesse de se confirmer. Et comme une mauvaise nouvelle s'accompagne en général d'autres, la production mondiale de blé et autres céréales ne cesse de chuter, notamment chez les 5 premiers pays producteurs au monde, et à leur tête les Etats-Unis, ravagés par des tornades à répétition et surtout atteints par la fièvre de l'éthanol, le nouveau bio-carburant qui… carbure aux céréales, ce qui a fait dévier le blé des assiettes américaines à leur réservoir de véhicules. A cela, il faut ajouter les récentes inondations en Angleterre, la sécheresse en Australie, et d'autres mauvaises conditions climatiques en Ukraine et en Russie. L'orge et les autres céréales, profitant de l'augmentation des prix du blé ne cessent de connaître des soubresauts à la hausse. Ces mêmes soubresauts touchent aussi les stocks mondiaux de céréales qui sont passés de 65 jours en 2006, à 52 en 2007, alors qu'ils étaient de 120 en 1999. C'est dire que l'Algérie qui dépend en grande partie de ses importations de blé, le dur notamment, tousse gravement quand les grands producteurs de céréales s'enrhument. Subvention ou pas subvention ? D'après les dernières déclarations de Saïd Barkat à Constantine, le ministre de l'Agriculture, « la production de blé en Algérie dépasse les 4 millions de tonnes pour 2007 et la réception de la production des agriculteurs est toujours en cours ». Il faut savoir que notre pays est sur une courbe ascendante en ce qui concerne la production de blé, car de 3 millions de tonnes en 2004, nous sommes passés à presque 5 pour l'année en cours. Du moins selon les chiffres officiels. Ce qu'il faudrait savoir aussi, c'est que la consommation annuelle tourne autour de 7 millions de tonnes et que le différentiel ne peut se trouver que sur le marché mondial du blé, celui de Chicago notamment. L'Etat algérien, et c'est connu, subventionne les précieuses céréales, « c'est ce qui fait que le prix de la baguette de pain n'a pas varié depuis 1996 », affirmera le président de l'association des boulangers sur les ondes de la Chaîne III, il y a quelques jours, pour rajouter que « l'Etat doit continuer cette subvention pour que le consommateur ne paye pas au prix fort son pain quotidien ». Toutes ces tendances ont bien sûr fortement perturbé le marché local du blé, de la semoule et du pain. Les différentes minoteries à travers le territoire national ne cessent de réclamer leur quota minimal de 50% de capacité de production de céréales. « Cela fait plusieurs mois que mes machines tournent à moins de 25% de capacité de production. J'ai beau me plaindre à la CCLS, je n'ai reçu aucune réponse », nous dira un minotier de Constantine, et d'enchaîner : « L'OAIC se fout de nous en nous imposant une marge bénéficiaire de 2% sur la vente de semoule, ce qui est une hérésie. On parle de subvention de l'Etat, mais on oublie de parler des augmentations sur le marché mondial qui dépassent de loin les efforts consentis par l'Etat. De plus, ces subventions ne profitent qu'à quelques importateurs véreux qui profitent de la conjoncture pour faire main basse sur ce qui ressemble de loin ou de près à des céréales pour les revendre par la suite au plus offrant. D'ailleurs, vous ne trouverez pas de minotiers qui s'approvisionnent chez des importateurs privés, car la semoule sera inabordable. Il n'y a que le métier de minotier qui est en danger, car le boulanger jouera sur ‘‘la qualité'' du pain à la farine, à la semoule, aux olives, à l'orge et autres tromperies sur la marchandise. De plus, je vous mets au défi de trouver une baguette qui fait les 250 grammes officiels. » Le même son de cloche, à quelques détails près, est entendu au niveau de la minoterie étatique Smide, ex-Eriad, qui « bien que toujours bénéficiaire, mais la courbe des gains ne cesse de tendre vers le bas, et à terme, nous serons obligés de mettre la clé sous le paillasson, car nous ne pouvons pas jouer sur les coûts comme le font les minoteries du secteur privé ». Impitoyable, la loi du marché a déjà fait son œuvre puisque sur les étals, le sac de semoule ordinaire de 25 kg qui se négociait à 750 DA au mois de juillet a atteint depuis le début du Ramadhan les 1200 DA, jamais vu auparavant. Etant donné que des augmentations ont touché tous les genres de blé et de céréales et que l'Algérie ne peut pour le moment s'autosatisfaire, et que le prix des farines et des semoules prend l'ascenseur, qu'en sera-t-il de celui du pain à l'avenir ? Une question à… 7,50 à laquelle personne n'a pu répondre pour le moment.