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Une dernière chance à Washington
Menace d'intervention militaire turque au Kurdistan irakien
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2007

La rencontre entre Erdogan et Bush semble être la dernière chance pour une solution politiqueLa Turquie a patiemment attendu, nous avons donné suffisamment de temps au gouvernement irakien.
Mais nous attendrons encore quelque jours pour qu'il fasse le nécessaire », a déclaré hier l'ambassadeur de Turquie en Algérie, M. Ercümend Ahmet Enc, lors d'un point de presse tenu au siège de l'ambassade à Alger, le jour même de la visite du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à Washington pour des pourparlers avec le président George W. Bush. « Il s'agit de l'ultime entretien, la dernière chance pour la diplomatie », a estimé l'ambassadeur turc tout en précisant qu'il était lui-même optimiste vu les « quelques signaux positifs » qu'il n'a pas détaillés. La rencontre Erdogan-Bush s'annonce « difficile », selon les observateurs. M. Bush espère dissuader son allié dans la « guerre contre le terrorisme » de mener une incursion en Irak pour traquer les positions du PKK. Avant la rencontre à la Maison-Blanche, le Premier ministre turc a prévenu que la patience de la Turquie face aux attaques des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), établis dans le nord de l'Irak, était « à bout ». La Turquie accuse les autorités autonomes du Kurdistan irakien de soutenir les activités du PKK et reproche à Washington de ne pas en faire assez contre les rebelles. A Ankara, vendredi, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a promis de redoubler les efforts de son pays pour aider Ankara à surmonter le problème des rebelles kurdes, tout en exhortant l'armée turque à ne pas entrer en Irak afin d'éviter de « déstabiliser davantage » ce pays. « Est-ce que la région est stable avec les attaques répétitives du PKK ? Ce dernier a repris les attaques juste après 2003 (date de l'invasion de l'Irak), les Américains ont une responsabilité dans cette question », a déclaré hier l'ambassadeur turque. Et les risques d'un embrasement au Kurdistan irakien existent bel et bien. Car que se passera-t-il si les Peshmergas, milices kurdes irakiennes armées, ripostaient à l'intervention turque ? « Si on nous tire dessus, nous allons riposter », lance l'ambassadeur qui ajoute – en évoquant l'éventualité d'un incident avec les forces US au nord de l'Irak – : « Les alliances ont des limites quand vos intérêts vitaux sont en danger. »
« Mesures concrètes »
Vendredi, à Ankara, Mme Rice a souligné que les Etats-Unis étaient dans l'« obligation » de contribuer à la lutte contre le PKK et réaffirmé que l'organisation, considérée comme terroriste par les Etats-Unis, était autant « l'ennemi » de Washington, de Baghdad que de la Turquie. « Cela va nécessiter de la persévérance. C'est un problème très difficile (...) éradiquer le terrorisme est dur », a-t-elle, toutefois, ajouté. Mais pour M. Erdogan, qui fait face à la colère de l'opinion turque après une série d'attaques meurtrières du PKK, le temps est compté. Avant de s'envoler samedi vers les Etats-Unis, il a indiqué qu'il attendait de M. Bush des « mesures concrètes » contre le PKK. L'ambassadeur turc à Alger a détaillé ces mesures – communiquées à maintes reprises à Washington et à Baghdad – en évoquant les extraditions ainsi que la fermeture des camps du PKK au nord de l'Irak, dans la région autonome du Kurdistan. Certains analystes craignent que l'influence américaine sur la Turquie n'ait été affaiblie par une résolution du Congrès américain visant à reconnaître un « génocide » arménien sous l'Empire ottoman. La perspective d'un vote de cette résolution, finalement reporté, avait sérieusement envenimé les relations entre les deux pays, Ankara menaçant de restreindre l'accès des Américains à la base aérienne d'Incirlik, cruciale pour le ravitaillement des soldats américains en Irak et en Afghanistan. Le président Bush a promis, jeudi, d'avoir avec le Premier ministre turc une discussion « substantielle » sur les moyens d'empêcher le PKK de se servir du nord de l'Irak pour attaquer les soldats turcs. Il sera en mesure de mettre en avant au moins un « succès » réalisé avec la coopération de Baghdad, avec la libération de huit soldats turcs, dimanche, capturés le 21 octobre par le PKK au cours d'une opération sanglante. « Mais cette libération n'est qu'une simple tactique pour empêcher l'intervention de la Turquie au nord de l'Irak », a nuancé l'ambassadeur turc à Alger qui regrette le fait « que les autorités autonomes du Nord de l'Irak n'ait rien fait de concret. Et ont même du mal à qualifier le PKK d'organisation terroriste ».
Tension extrême au Kurdistan irakien
Situation tendue à la frontière irako-turque. L'armée irakienne a fermé le passage frontalier vers la Turquie ; une mesure inédite, selon une journaliste turque présente sur place, contactée hier par El Watan. « Nous ne pouvons approcher les postes frontières à moins de trente kilomètres, ce qui est un signe de tension », a témoigné Fatma Kizilboga, envoyée spéciale de Radio France International (RFI) qui se trouvait hier à Zakho, la dernière ville du Kurdistan irakien avant les frontières nord. Selon la journaliste, la plupart des villages voisins de cette ville ont été évacués, et ne restent que les hommes, armes à la main, préparés à une éventuelle incursion turque. Il était impossible, ces derniers jours, pour les journalistes sur place de rencontrer des éléments du PKK, retranchés dans des positions, les nerfs à bout. « Nous sommes sous la menace des tirs en cas d'approche des positions de l'armée turque au nord, ou des positions du PKK ou des Peshmergas (milices kurdes irakiens). Ces derniers ont d'ailleurs organisé (hier matin) des défilés à Zakho pour montrer qu'ils étaient prêts à riposter en cas d'intervention turque », nous a précisé la journaliste de RFI. Selon une source à Ankara, il y aurait certainement une opération militaire contre les positions du PKK au nord de l'Irak. Une source turque, contactée hier par El Watan, avance le 10 novembre comme date de l'enclenchement des opérations. Le 10 novembre, date anniversaire de la disparition, en 1938, du fondateur de la République turque, Kamel Ataturk.


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