Autant le dire tout de suite, ce roman La Preuve par le miel, de la Syrienne Salwa Al Neimi, a causé un « tsunami » critique lors de sa parution à Beyrouth en langue originale arabe. Il s'agit en effet d'une œuvre effervescente. Pas du tout le genre de roman familial, ces écrits inexpressifs et figés où tant d'autres romancières arabes mettent une sourdine à leur vie affective, à leurs désirs sexuels et se contentent tout juste de caricaturer leur moral et leurs sentiments. Dans le rôle d'une Garbo arabe, vivant à Paris, voyageant sans cesse dans les festivals de cinéma et les expositions de livres, l'héroïne de La Preuve par le miel réussit au contraire à vamper toute une foule d'amants, se détachant ainsi de l'idéologie puritaine de son milieu familial et imposant l'idée que ce qui compte le plus c'est son corps, son désir, sa passion, sa frénétique, fiévreuse et vorace recherche du plaisir. Ce livre est aussi un évènement littéraire, voire la précieuse traduction en français, œuvre d'Oscar Heliani et de l'auteur qui est faite dans une langue très poétique, très belle, très raffinée. L'originalité, la préciosité de la langue arabe d'origine sont ici noblement servies, jamais de manière maladroite ou exhibitionniste. C'est que Salwa Al Neïmi s'inspire beaucoup dans son récit de la tradition littéraire la plus raffinée, celle d'Ibn Arabi, Al Nazhawi, Al Tifachi et autres Nass Eldine Toussi. Dans ce récit captivant qui nous propulse loin de l'oppression des pères, des maris et des « grands frères », l'héroine, libre comme le vent, navigue dans les dédales de sa passion et de ses désirs sans cesse assouvis. Sans cesse, elle est à la recherche de la fatigue délicieuse qui suit l'amour. Dans son parcours sans obstacle, il y a son préféré, un certain penseur, beau et énigmatique à souhait. Mais il y a aussi beaucoup d'autres... Ses souvenirs sont jalonnés de femmes différentes ou qui parfois lui ressemblent. Amies, cousines, voisines qui lui racontent leur vie. Chroniques palpitantes d'autant plus qu'elles demeurent secrètes, clandestines en dehors de leur petit cercle. Pour un colloque supposé se passer à New York mais annulé à la dernière minute par peur du terrorisme, l'héroine rassemble dans la bibliothèque parisienne où elle travaille d'imposants traités érotiques arabes anciens. Il y a de quoi soutenir toute une thèse. Finalement cela aboutit à un roman. Ce roman de première classe qui est sous nos yeux et qui dans sa version originale a donc provoqué la tempête médiatique que l'on sait dans la presse arabe. Salwa Al Neimi mérite bien cette ovation. Elle possède un talent d'écrivain indiscutable. Elle peut jouir tranquillement de sa célébrité déjà sulfureuse. Salwa Al Neïmi : La preuve par le miel Edition Robert Laffont, Paris 2008 177 Pages - Traduction Oscar Heliani