La tenue du festival d'Oran du cinéma arabe est une précieuse opportunité pour parler de la douloureuse disparition des salles de cinéma de la ville. Du Rex à l'Escurial, en passant par le Vox, Casino et autres Royal... Presque toutes les salles de cinéma ont vertigineusement disparu du paysage culturel de cette fausse capitale de l'Ouest du pays et du 7e art arabe. Ghali Est un oranais pur jus. Il dit : « Dans mon quartier, au centre ville, boulevard El Amir Abdelkader, il existait, au moins, le cinéma Escurial. C'était une très jolie salle, spacieuse et très confortable. C'était, surtout, un point de départ et d'arrivée des jeunes que nous étions. Les films à 10 dinars, j'en connais des tonnes. De Dara Shing à Mangala fille des Indes, de Gary Cooper à John Wayne... Mais, aujourd'hui, regardez dans quel état se trouve le cinéma. » Fermé, depuis plus de dix ans, l'Escurial est livré aux déprédations du temps. Et des SDF. Sa porte cadenassée, couverte de saleté et de toiles d'araignée, alors même qu'elle ouvre sur l'un des principaux boulevards d'Oran, a été transformée en pissotière. Une simple petite histoire d'investissement. Un peu plus haut, sur la route de Tlemcen, Le Rex a été détourné de sa vocation. Fini les films de western et de Jean Gabin. La salle de cinéma a été cadenassée avant de se métamorphoser, par on ne sait quelle main prestidigitatrice, en fast-food. Encore un peu plus haut, à Choupot, un autre cinéma « Le Royal » a été transformé en local pour prêt-à-porter. Bref, il ne sert à rien de citer toutes les salles fermées ou détournées de leur vocation culturelle. Sur la cinquantaine de salles qui faisaient la fierté de la ville et qui transformaient ses gamins en Tarzan et en Mogly, presque toutes ont été livrées à l'inconnu. Et au commerce rapide et gagnant. Mourad, jeune et déjà ancien homme de cinéma dit : « Il ne demeure plus à Oran, pour étancher la soif des cinéphiles que la cinémathèque, le Maghreb ou le Régent et le Lynx ou le Colisée. Ces salles qui se comptent sur le doigt d'une seule main tentent, à hue et à dia, de programmer quelques films qui ne sont jamais très récents. Ni très culturels. Excepté la cinémathèque qui cravache, vaille que vaille, pour être à la hauteur du goût cinématographique, le reste ne fait que dans le strict business ». Selon M. Houidek, réalisateur connu sur la place d'Oran, « Il serait, pour le moins, prétentieux de vouloir construire un cinéma national alors qu'on n'arrive même pas à construire de nouvelles salles. Cette situation a sérieusement déteint sur la production et les réalisateurs oranais sont obligés de faire dans la débrouillardise pour monter un ou deux petits métrages, avec des caméscopes, juste pour la galerie et, surtout, pour ne pas rester sur les carreaux brisés de l'existence. » La sixième édition du FOFA d'Oran repose, également, dans toute son acuité, sur les budgets faramineux qui sont dédiés aux successifs festivals mais qui, une fois les feux de la rampe éteints, ne laissent rien à la ville. Du temps de Hamraoui Habib Chawki, on parlait de budget qui dépassait les 1,5 million de dollars pour une semaine de festival. Aujourd'hui, un black-out total cadenasse cette information, mais on imagine que même si les subventions ont été revues à la baisse, elles ne seraient pas loin du million de dollars. Alors, tout naturellement, s'incruste cette question que tous les cinéphiles se posent ici : « Pourquoi au bout de plusieurs éditions du FOFA, aucune nouvelle salle n'a été construite ou aucune ancienne n'a été réhabilitée ». Bien évidemment, les autorités locales ne manquent aucune occasion pour faire des promesses dans ce sens. Non pas que nous ne les croyions pas, mais où sont ces nouveaux cinémas ? « Où sont passées mes salles de « silima » ? » Disent Gali l'Oranais et Mourad le cinéphile et Houidek le réalisateur et Salima, la jeune fille esseulée.