Ce sont des cris et non un cri venus des tréfonds des membres de la fondation. Ces derniers ont décidé de faire un énième appel aux autorités pour sauver ce qui reste à sauver. Ni les poèmes, ni les écrits, ni les conférences dédiés à la Casbah encore moins les célébrations n'ont fait jaillir l'étincelle salvatrice. Pour ne pas être seul sur le terrain du combat mené inlassablement, le président de l'association de la Casbah de Dellys s'est joint aux membres de la fondation éponyme pour partager le même souci, à savoir faire renaître notre patrimoine architectural, culturel qui représente notre identité. La question est sur toutes les lèvres : « Pourquoi cette indifférence alors que les douéras tombent en ruines ». M. Belkacem Babaci, président de la fondation, rencontré dans une des ruelles de la citadelle qui n'ont aucun secret pour lui pour les avoir arpentées depuis son plus jeune âge, n'a pas été avec le dos de la cuillère pour fustiger les différents dirigeants, responsables du confortement et de la réhabilitation des ouvrages. Après avoir été la ville phare du bassin méditerranéen trois siècles et demi durant, « El Mahroussa » tombe en ruines, s'effrite. « C'est notre mémoire et notre histoire qu'il faut préserver », n'a-t-il cessé de marteler. « Pour cela, nous n'avons pas besoin de compétences venues d'ailleurs, nos architectes, bureaux d'études et nos techniciens sont capables avec une volonté politique d'entamer la réhabilitation », a-t-il fait remarquer. Mais pour cela, il faut que les propriétaires se mettent d'accord pour procéder au confortement. Beaucoup d'entre eux, justement, ont rencontré des problèmes de « frédha » pour le partage de l'héritage alors que d'autres ont carrément fui la Casbah et abandonné la maison qui les a vus naître. Pour M. Hassen Kerrar, chargé de communication de la fondation Casbah, « il ne faut plus célébrer la journée nationale de la Casbah. » Dorénavant, ce sera une journée de deuil car à chaque saison de pluie, l'on assiste à l'écroulement des maisons sans que l'on puisse faire quelque chose. Pour ce Casbadji, il est temps de sauver ce qui reste à sauver ne serait-ce que pour l'histoire de notre patrimoine séculaire. « Que reste-t-il de la médina ? », lancera Farisa Belharrat, chargée du volet solidarité au sein de la fondation. Elle dresse un tableau des plus sombres sur la condition des femmes qui n'ont aucun débouché, qui vivent avec la peur de voir les plafonds tomber sur leur tête, et les enfants qui sont la proie des dealers. « Les écoliers, lycéens et autres jeunes sont livrés à eux-mêmes après les heures de cours faute de structures pour pratiquer du sport ou une activité culturelle », a-t-elle fait savoir. Pour Réda Amrani, chargé du patrimoine, « les favelas du Brésil sont meilleures actuellement que notre Casbah qui est pourtant classée patrimoine mondial par l'Unesco en 1992 et secteur sauvegardé par la loi 98.04 ». Cet historien propose une police municipale pour lutter contre les squatters et asseoir l'autorité de l'Etat. Quant à Karima Guenache, ex-avocate, élue à l'APC de Kouba, elle insistera sur la mise en place d'une institution indépendante s'occupant uniquement de la Casbah sous tutelle de la présidence de la République. Pour ce faire, l'organisation d'un téléthon s'avère, selon les amoureux de la vieille citadelle, à l'image d'Ali Mebtouche, membre d'honneur de la fondation éponyme, être la seule alternative pour sauver ce qui reste de ce patrimoine qui constitue la mémoire de tous les Algériens et une référence incontestable de leur civilisation. La balle est dans le camp des décideurs !