Ahmed le taleb rend à la jeune fille la peau de colombe. Vite, elle s'en revêt et s'envole dans les airs. Le saint homme la regarde s'éloigner et continue de marcher. Ahmed Ben Abdallah arrive à la ville et se rend à la koubba de Sidi Ali-Zouaoui. Il dépose son offrande entre les mains de l'oukil, fait ses dévotions, rend visite à quelques amis et retourne vers sa demeure. A l'heure dite, il arrive au bord de la rivière. Un pigeon s'arrête sur la berge, dépose sa forme de colombe et la belle Djenia est devant le taleb. « Me voici. Que veux-tu de moi ? Que puis-je te demander autre chose que la possession de ta charmante personne ? Mais n'es-tu pas un saint homme, et ta religion ne te défend-il point de t'unir à moi ? Je le sais, mais tu es si belle que tu ne peux être qu'un ange de Dieu. J'exige donc que tu me suives et que tu sois ma femme. Ô saint homme ! Réfléchis bien à ce que tu veux de moi ! Laisse-moi courir par les rivières et les forêts avec mes compagnes. Non, non. Suis-moi ! » Toute désolée, la Djenia accompagne le taleb. On arrive à la demeure d'Ahmed Ben Abdallah et bientôt il n'est bruit dans les environs que du prochain mariage du saint homme. Le jour fixé arrive, et le taleb épouse la Djenia. Les années se passent et la femme donne à son mari de jolis enfants qui font la joie des mariés et l'envie des voisins. Mais toujours, la belle Djenia est triste. Elle aime ses enfants et elle adore son mari dont elle n'a qu'à se louer. Mais le souvenir de ses compagnes toujours la poursuit et elle reste des heures à soupirer après les années si heureuses qui se sont enfuies. Un jour, les enfants, en jouant dans un coin retiré de la maison, trouvent une peau de colombe et l'apportent à leur mère, dont les yeux brillent de plaisir. Elle est toute joyeuse de retrouver son doux vêtement de Djenia. Partira-t-elle ou restera-t-elle avec son mari et ses enfants ? Un instant, elle hésite. Mais elle prend son parti. Elle embrasse ses enfants, les appelle des noms les plus tendres, se revêt de sa forme de colombe et s'enfuit retrouver les Djnoun. Ahmed Ben Abdallah était sorti ; il revient et apprend la terrible vérité. Il pleure et s'arrache les cheveux de désespoir. Mais, hélas ! Inutilement. Seulement, la Djenia revient parfois trouver ses chers enfants, les embrasse longuement et aussitôt s'enfuit. M. Medjahdi (Légende arabe racontée en 1880 à Alger.)