Mme Federica Moghereni, haute représentante de la politique extérieure de l'UE, poursuit ses consultations avec tous les pays membres de l'Union européenne pour qu'ils adoptent une position commune de reconnaissance de l'Etat de la Palestine. Depuis qu'elle avait clamé à Ghaza, où elle était en visite il y a une semaine, qu'« il faut un Etat palestinien », la Haute représentante à la politique extérieure de l'Union européenne n'entend pas s'arrêter au stade des déclarations de principe. La jeune et dynamique diplomate italienne sait que le repli des Européens derrière le statu quo sur la question palestinienne a fait, jusque-là, le jeu de Benyamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien, convaincu du manque de volonté politique de l'Europe de définir sa propre position sur la Palestine, veut gagner du temps pour terminer son plan, à l'horizon 2020, de colonisation de ce qui reste de la Palestine historique. L'objectif du Premier ministre israélien n'est pas seulement d'occuper le maximum de terres palestiniennes d'où ses habitants ont été chassés en 1948, mais de couper la partie arabe d'Al Qods du reste de la Cisjordanie et d'interrompre, ainsi, la continuité géographique de l ́Etat de Palestine. C ́est ce projet que les pays européens ont dénoncé chaque fois que le feu vert a été donné par l'administration israélienne à la construction de nouveaux logements pour les juifs dans les territoires occupés. L'extension de ces implantations a fini par irriter tout le monde, y compris les Etats-Unis qui se rendent, aujourd'hui, à l'évidence qu'un accord de paix est quasi impossible dans ces conditions. Benyamin Netanyahu veut rendre inapplicable le principe du retour d'Israël aux frontières d'avant la guerre de juin 1967. Aucune médiation ne peut ignorer cette réalité. Le Secrétaire d ́Etat américain, John Kerry, qui vient de rentrer de Amman où il avait rencontré le président Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu, voit ses efforts de paix fragilisés par le refus d'Israël de respecter ses propres engagements envers la création de l'Etat de Palestine. Les Européens, eux, ont acquis, maintenant, la conviction qu'un accord de paix dans ces conditions, entre les Palestiniens et les Israéliens, n'est pas possible et qu'il fallait, donc, qu'ils prennent leurs responsabilités. C ́est ce que Mahmoud Abbas a expliqué, des années durant, à ses interlocuteurs occidentaux dont beaucoup se sont rendu compte qu'il ne faut plus rien attendre d'Israël. Le président palestinien est conscient que s'il avait cédé, en 2012, aux pressions des Etats-Unis et des amis d'Israël, la Palestine ne serait pas, aujourd'hui, membre non permanent de l'ONU. Cette victoire diplomatique, sur fond de bravoure des combattants palestiniens qui ont infligé à l'armée israélienne l'une de ses plus significatives défaites militaires, a donné plus de motivation à Abou Mazen pour ne plus attendre et aller encore plus loin dans le processus de consécration internationale de la Palestine. Sa détermination semble avoir eu des résultats puisque l'un après l'autre, les pays occidentaux paraissent décidés à emboîter le pas à l'Irlande et au Royaume-Uni dont les Parlements ont invité leurs gouvernements respectifs à suivre l'exemple de la Suède. Aujourd'hui, le Congrès des députés espagnols votera une résolution non contraignante demandant au président Mariano Rajoy d'adopter la même position du gouvernement de gauche suédois. Le 28 novembre, une motion similaire sera votée par le Parlement français. Ces initiatives parlementaires sont le fruit de contacts au double plan intérieur et européen entre opposition et gouvernements, toutes tendances politiques confondues. Les conditions de ce consensus sont plus que jamais réunies au sein de l'Union européenne qui entend s'imposer sur la scène internationale comme partenaire incontournable aux grandes décisions sur la paix et la sécurité dans le monde. L'UE veut donc prendre ses responsabilités sur la question palestinienne, sachant que le veto américain sera appliqué systématiquement à la lettre que le président Abbas soumettra au Conseil de sécurité demandant la reconnaissance de l'Etat de Palestine. L ́Europe a acquis, surtout, la conviction que l'objectif poursuivi par Israël c'est l'annexion d'Al Qods, l'extension des colonies juives et son refus de retourner aux frontières de juin 1967. « Dans ces conditions, l'Union européenne n'a d'autres choix que de prendre ses responsabilités ». L'Europe saura-t-elle, enfin, réparer sa dette historique envers la Palestine ? Les initiatives parlementaires en cours à Madrid et à Paris permettent d'y croire.