Il y a quelques jours, au moment ou l'on s'y attendait le moins, une sorte de fièvre obsidionale se saisissait des médias, les poussant à plaider haut et fort la suppression de la peine de mort. Quelle vaillance pour un plaidoyer qui n'aura duré que 24 heures ! Une courte poussée d'adrénaline. En tout cas pas de quoi fouetter un chat. Mais comme l'excès d'optimisme intrigue, on a pensé qu'il n'y a jamais de fumée sans feu. Soit ! Alors que fait-on en attendant l'oracle ? Le mieux serait, et c'est la démarche la plus pratique, de s'enfermer dans un silence hermétique et attendre que les solutions sur cette question et sur bien d'autres encore nous soient servies. Et puis, qu'est-ce que ça fait de se savoir membre d'un club de pays qui ont abandonné la peine de mort ? Se sentirait-on plus heureux pour autant que les pays qui continuent, contre vents et marées, d'inventer des gadgets de plus en plus sophistiqués «pour atténuer», dit-on, les souffrances du condamné à la minute de son exécution ? En Algérie, la situation nous autorise à croire que la question de la peine de mort ne se pose pas dans les mêmes termes qu'ailleurs. Et, sans crainte d'être démenti, déclarer d'orées et déjà que la peine de mort est vraiment en sursis et son champ d'application se rétrécira comme une peau de chagrin à l'avenir. En étudiant la démarche et les méthodes utilisées pour nous rapprocher de la fin de la peine de mort, on a découvert le vaste système de gouvernance algérien.. Car c'est au sein de ce système, complexe et planificateur de l'action gouvernementale, qu'on s'aperçoit qu'on compte un retard d'au- moins 18 ans sur les premières mesures prises par l'Algérie pour réduire progressivement l'usage de la peine infamante. Peu de gens savent sans doute que l'Algérie observe depuis septembre 1993, un moratoire pour réduire l'impact de la peine de mort. C'est sans doute pour cette raison que le citoyen algérien n'en est pas traumatisé. Dix-huit ans durant lesquels notre pays n'a procédé à aucune exécution. Un pari difficile à tenir d'autant que la population algérienne était soumise à un harcèlement barbare par ceux qu'on a appelés les «fous de Dieu». Une période sanglante durant laquelle l'Algérie toute entière semblait vouée à trépasser sous la mitraille des hordes théocratiques. Après quoi adieu acquis civilisationnels et modernité. Un épisode de folie collective qui rappelle que, jadis, la barbarie ne réapparaissait que lorsque l'affrontement contre le mal, qu'il soit de l'intérieur ou de l'extérieur, perd toute référence à la morale et donne libre cours aux entreprises barbares. Qui ne se souvient de cette période où de l'étranger «bienveillant» on nous regardait comme des hordes sauvages en encourageant la«guerre civile» dans laquelle nous étions pris au piège pendant qu'en Occident on prenait soin d'attiser le conflit chez nous pour en finir avec un peuple qui, malgré son état de sous-développement colonial séculaire, a fini par prendre le meilleur en boutant de son territoire une puissance comme la France, classée quatrième puissance militaire et économique du monde à l'époque..Voilà sans doute pourquoi feu le président François Mitterrand, n'a pas hésité à tenir à l'Algérie officielle la promesse qu'il l'aiderait à s'en sortir et aux hordes intégristes le même langage qu'il tenait, en revanche, scrupuleusement. Par peur sans doute de voir à plus de cinquante ans d'existence «Paris brûler réellement.. ?» Parmi les français qui nous ont chaudement recommandés à la Géhenne, ce sont à quelque chose près les mêmes qui, durant les années 50-60, s'étaient raccrochés à l'idée que notre guerre contre France coloniale devait obligatoirement se terminer par une extermination en règle du peuple algérien. Je m'interdirais cette fois d'évoquer de nous promettre l'exil. Comme d'autres ceux-là aussi ont caressé des chimères et ils ont perdu. Bizarre quand-même que les ennemis traditionnels de l'Algérie dérivent régulièrement vers la même impasse en voulant contrecarrer nos droits et empêcher notre libre-arbitre de s'exprimer. Les Français qui savent qu'ils sont écoutés sur une bonne partie de l'hémisphère nord, ont fait des émules en partageant avec leurs partenaires occidentaux une formule toujours prête à servir : le recours à la référence des «Droits de l'homme». De quoi s'git-il ? En fait il ne s'agit pas des «droits de l'homme» auxquels nous pensons, nous, pays du Tiers-monde, mais de ceux de l'homme «blanc» comme l'Occident avait promulgué le Code Noir, l'autre œuvre majeure du roi Louis XIV car Colbert, son ministre, n'a été que l'assistant qui lui a servi de porte-plume dans cette sombre affaire. Désormais à la culture que la France nous a livrée en vrac durant 132 ans de colonisation, beaucoup d'Algériens pensent qu'il serait peut-être opportun d'y intégrer l'étude de l'anthropologie ayant nourri le code noir. Bien que ne s'adressant pas directement aux habitants du Maghreb, donc à nous directement, au 17ème siècle, la domination coloniale était la même partout et pour tous les colonisés. Plus concrètement, on devrait se poser cette autre question. Qui ou qu'est-ce qui a inspiré les promoteurs du sinistre mot d'ordre à l'époque où l'époque où l'intégrisme se croyait proche de la « victoire » en Algérie ? Le mot d'ordre de sinistre mémoire «Qui tue qui ?» ne pouvait découler que de l'atavisme ressenti par les descendants immédiats de la génération de «pieds noirs» pure et dure qui avait vécu dans les vastes prairies de «l'Algérie de Papa».. Entre temps l'Algérie faisait des pas de géant pour rattraper le rythme de développement qu'elle ne pouvait réaliser durant les siècles de colonisation subis au cours des siècles. Pourtant malgré la menace du boycott encourue, malgré l'isolement du pays qui s'en est suivi, malgré les pressions subies tout au long de cette période de confusion et de sang «généreusement versé», jamais pouvoir en Algérie n'a envisagé de réactiver la peine de mort. Il restait clair que, malgré un besoin impérieux de rétablir l'ordre républicain dans son intégralité, le moratoire n'a jamais été suspendu. Il est non seulement resté en vigueur mais il concerne toujours «l'ensemble des peines de mort prononcées pour toutes les infractions sans distinction, y compris les infractions de terrorisme» depuis 1993. On comprend donc pourquoi l'exécution de la peine du meurtrier du président Boudiaf n'a pas été exécutée jusqu'ici. Autre chose à retenir du moratoire en cours. Il s'inscrit dans la durée. Ce qui prouve, s'il en était besoin, qu'il existe une constante volonté de ne pas recourir cette peine infamante. Pour deux raisons. La première, pratique et liée aux prérogatives tirées du droit régalien du président de la République permet à ce dernier de procéder à la commutation de peines de mort «en peines de réclusions perpétuelles par la voie périodiquement invoquée de la «grâce présidentielle». Ceci d'une part . De l'autre et c'est la seconde raison, le code pénal qui, en Algérie, connait régulièrement des améliorations pour rendre plus de justice aux justiciables, milite par son contenu à rendre le recours à la peine de mort de moins en moins indispensable et de moins en moins facile du point de vue du droit et de l'intime conviction.. Ainsi par exemple après plusieurs modifications du code pénal, «la peine de mort n'est plus encourue pour bon nombre d'infractions, notamment les infractions économiques, les infractions contre les biens et en matière de drogue».