Si effectivement le recours à la force privilégié par l'Otan a provoqué le chaos programmé de la Libye livrée au règne des milices et à la menace grandissante de Daech aux portes de Tripoli, l'Union africaine peut légitimement revendiquer le choix de la solution politique pour une transition négociée qui s'impose aujourd'hui en alternative incontournable admise comme telle par la communauté internationale et inscrite dans le processus politique crédible, mené sous l'égide de l'ONU, validé par le Conseil de sécurité et soutenu par les efforts de rapprochement entrepris par les pays voisins pour consolider la dynamique de dialogue inclusif libyen et promouvoir un gouvernement d'union nationale. Des pressions se multiplient pour amener les protagonistes de Tobrouk et de Tripoli à participer au nouveau conseil présidentiel dirigé par le Premier ministre Fayez El Sarraj. En même temps, une « rencontre surprise » a regroupé à El Marj (Est) le nouveau Premier ministre et le général Khalifa Haftar, présenté comme étant le chef des forces loyales aux autorités reconnues internationalement. Cette ouverture s'interprète comme une volonté d'apaisement qui participe à la levée des réticences sur la constitution du gouvernement rejetée lundi dernier par le Parlement de Tobrouk fondamentalement acquis au combat de la « dignité » mené par le général Haftar. C'est donc tout naturellement qu'Addis Abeba, qui ne croit pas à l'option militaire qui « compliquerait davantage la donne », a réitéré l'urgence de la solution politique et une plus grande mobilisation internationale pour soutenir le gouvernement d'union légitime. Réuni à Addis Abeba, le Groupe de contact international sur la Libye a ainsi annoncé la création d'un groupe de cinq chefs d'Etat pour aider à la formation d'un gouvernement d'union en Libye. L'ancien président tanzanien, Jakaya Kikwete, qui succède à l'ex-Premier ministre djiboutien, Dileita Mohamed Dileita, a été désigné nouvel envoyé spécial de l'UA sur la Libye. La course contre la montre est enclenchée pour faire barrage à Daech en progression constante d'Ouest en Est et au Sud et faisant main basse sur les installations pétrolières, à Ras Lanouf notamment. « C'est un aspect qui nous préoccupe tous et qui commande une action vigoureuse mais nous ne pouvons le faire que si nous avons un gouvernement en place et des forces libyennes que nous pourrons à ce moment-là encadrer, équiper », a martelé le commissaire du Conseil paix et sécurité (CPS) de l'UA, Smail Chergui. Au moment où le syndrome de l'intervention militaire peuple les nouveaux scénarios atlantiques qui ont fait le lit du terrorisme international, l'Afrique unie se mobilise pour plaider encore une fois la fiabilité de la « seule voie » possible et imaginable : la Libye du dialogue inter-libyen, de l'union sacrée et de la réconciliation nationale. Une « seule voie » défendue contre vents et marées par l'Algérie totalement opposée aux options aventurières et pleinement convaincue des vertus du dialogue inclusif et du règlement pacifique de la crise. L'arrivée à Alger du chef de la mission d'appui des Nations unies pour la Libye (Manul) Martin Kobler, conforte la position inaliénable de l'Algérie maintenant, en toutes circonstances, la « main tendue » aux Libyens appelés à privilégier l'intérêt de la Libye unie au détriment des luttes parcellaires pour le pouvoir.