Le forcing américain réussira-t-il à sauver le partenariat stratégique avec un allié important de l'Otan ? Alors que Kerry est attendu à Ankara, en octobre prochain, le vice-président américain Joe Biden doit se rendre en visite en Turquie le 24 août, a annoncé samedi dernier le Premier ministre turc Binali Yildirim à un groupe de journalistes, selon le site internet de la chaîne CNN Turk. Cette double visite qui n'est pas confirmée par Washington reste toutefois un indicateur précis du climat de tension alimentée par le dossier brûlant de l'extradition du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'être l'instigateur du coup d'Etat avorté. Si pour le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusolgu, de « bons signes » sont perceptibles, les Etats-Unis exigent des « preuves » plutôt que des « allégations ». Rien ne semble définitivement acquis pour le président Erdogan qui ne décolère pas contre l'Occident rétif contre la mue menée à la hussarde pour consacrer sa mainmise en décrétant l'état d'urgence et en se lançant dans une chasse aux sorcières jamais connue dans l'histoire du pays. Les purges massives ont visé l'armée, la justice, l'enseignement, la santé et l'administration où plus de 81.500 fonctionnaires ont été renvoyés et quelque 35.000 personnes arrêtées. Dans cette crise jamais vécue entre l'Ouest et la Turquie, la dégradation des relations pose la question de l'appartenance de la Turquie à l'UE dont l'Autriche est allé jusqu'à demander « l'arrêt des pourparlers d'adhésion ». Le durcissement avec l'allié américain, accusé d'être impliqué dans le complot, est alimenté par le dossier d'extradition qui reste, pour le Premier ministre turc, « l'élément principal dont dépend l'amélioration de nos relations avec les Etats-Unis ». Aucun compromis n'est jugé acceptable. « La poursuite du sentiment anti-américain en Turquie dépendra de cela », a-t-il ajouté. Des « signes positifs » ont certes été perçus par le chef de la diplomatie, mais le fossé reste suffisamment important entre Ankara qui ne décolère pas et envisage une réévaluation de sa politique étrangère. Le changement de cap a été donné lors de la première visite à l'étranger effectuée en Russie qui a tourné la page de la crise provoquée par la destruction d'un avion de chasse russe à la frontière avec la Syrie. Lors de la rencontre de Saint- Pétersbourg, le 9 août, le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont annoncé le renforcement de la coopération technico-militaire entre leurs deux pays. « Nous avons l'intention de développer notre coopération dans le domaine de l'industrie de la défense », a affirmé le président turc qui a donné le feu vert à une coopération militaire d'un membre de l'Otan avec la Russie de Poutine. Elle s'étend aux secteurs de la conception des drones, de la construction des engins blindés et des vedettes de combat. En 2013, l'exportateur d'armes russe, Rosoboronexport, a lancé un programme de création d'un système moderne commun de défense antimissile. Le rapprochement entre la Russie et la Turquie inquiète. « Washington et Bruxelles feront tout pour empêcher l'affaiblissement de leur flanc sud, extraordinairement important sur le plan géopolitique », estiment des médias occidentaux. Le temps de la riposte américaine est-il arrivé ?