Traquenard - Un soir, alors qu'elle s'apprêtait à fermer son cabinet, un homme, accompagné d'une femme, frappa à sa porte pour une urgence. Grâce aux sacrifices de sa pauvre mère, son père, ayant refait sa vie, Yasmina a pu faire des études normales à Médéa, puis Alger et enfin à l'université où elle obtiendra un beau diplôme de médecin. C'était le rêve de sa vie, ouvrir un cabinet et s'installer à son compte pour ne pas subir les contraintes et les servitudes du secteur public. Ce qu'elle fera immédiatement dans l'arrière-pays du chef-lieu, à Boghari, une petite ville sans prétention. Là, les locations étaient faciles et l'immobilier ne posait pas de problèmes. Il faudra beaucoup de temps à la jeune femme pour s'habituer à son nouveau métier. Les patients ne se bousculaient pas au portillon et préféraient se faire soigner au centre de santé communal. Il lui est même arrivé de recevoir, en guise d'honoraires, des fruits et de la semoule. Belle, avenante et aidée par une patience à toute épreuve, et surtout une gentillesse toute naturelle, Yasmina ne tarda pas à se faire une solide réputation dans la région. Un soir qu'elle s'apprêtait à fermer son cabinet, un homme, accompagné d'une femme, frappa à sa porte pour une urgence. Mais pas à Boghari, précise-t-il, dans une ferme à 7 km de là. La toubib accepta à condition de la ramener chez elle, même tard dans la nuit. Elle occupa le siège arrière de la voiture et engagea avec l'inconnu une discussion sur les symptômes de la malade et sur ce qu'elle ressentait. L'inconnu évita de répondre avec précision et resta dans le vague. Au bout d'une demi-heure, le véhicule quitta la route goudronnée et s'engagea à travers une piste de deux kilomètres environ pour déboucher sur une vieille maison coloniale. Il y avait de la lumière et Yasmina entendit distinctement des rires et de la musique... ... Curieux pour une ferme qui avait un malade au stade final, du moins c'est ce que l'inconnu lui avait fait comprendre. On l'introduisit dans un grand salon aux épais tapis de laine. Il y avait, là, sur des banquettes rembourrées de laine , deux femmes légèrement éméchées et trois hommes aux allures ambiguës qui consommaient de l'alcool. La toubib demande tout de suite à voir la malade car la nuit était bien entamée et ce lieu ne lui inspirait pas confiance. Le maître de maison l'invita sans retenue à passer la soirée avec des sous-entendus qui ne pouvaient pas tromper. Il lui promit même des cadeaux, plein de cadeaux. Prétextant un besoin urgent, elle faussa compagnie à cette faune qui avait légèrement baissé la garde, rejoignit la Route nationale et héla un poids lourd en provenance de Djelfa. Elle était sauvée. Deux jours plus tard, elle ferma son cabinet pour toujours.