Loin, vers le Nord, il y avait un royaume enneigé où régnait un roi vieux et sage. Il habitait un palais de cristal aux mille fenêtres. Derrière chaque fenêtre, scintillait le reflet froid et bleuté d'une étoile. Ce roi avait trois fils. L'aîné, Vent, était sage et pondéré comme son père. Le cadet, Ouragan, était impétueux comme le tonnerre. Le plus jeune, Vent-de-glace, n'avait pas bon caractère. Il était malveillant, violent et, ce qu'il se mettait en tête d'avoir, il devait l'obtenir à tout prix. Le vieux souverain était fatigué de régner. Il gouvernait déjà depuis bientôt trois siècles et était à présent décidé à léguer son palais de cristal et tout son territoire enneigé à l'un de ses fils. Mais lequel ? «Je dois les faire venir. Celui qui démontrera qu'il possède les meilleures qualités pour diriger un royaume, celui-là sera un bon souverain», décida-t-il. Et il appela ses fils. Il leur donna à chacun trois ducats et déclara : «Celui d'entre vous qui fera fructifier cet argent en un minimum de temps héritera de mon palais de cristal et de tout le royaume.» Le premier à partir sans plus attendre fut le benjamin, Vent-de-glace. Partout où il se rendait, il laissait derrière lui une traînée glacée. Il survolait les villages et emprisonnait les lacs dans les glaces, ainsi que les rivières et les moindres ruisseaux. Quand il passait au-dessus des villes, il gelait toutes les fontaines. Un jour, près d'un bourg, il croisa un traîneau en chemin. Il était conduit par un riche marchand qui revenait de la foire, emmitouflé dans une fourrure de renard. Vent-de-glace souffla sur lui de toutes ses forces et hurla : «Donne-moi trois ducats ou je te fais geler jusqu'à l'os !» Mais, à travers l'épais bonnet de fourrure de mouton qu'il avait sur les oreilles, le marchand ne l'entendit pas et se contenta de relever son col. Vent-de-glace se fâcha. Il s'engouffra sous les fourrures, transperça le manteau et même la chemise du pauvre bougre pour le geler jusqu'à l'os. L'homme, à demi-mort, roula au bas du traîneau. «Eh bien ! Je ne puis plus tirer de toi le moindre ducat, bon à rien !», ricana méchamment Vent-de-glace en s'envolant ailleurs. (A suivre...)