Initiative - A partir des années 2000, le cinéma algérien, qui a connu, après une traversée du désert qui a duré une décennie, -l'époque où toutes les infrastructures liées à la production, réalisation et diffusion ont été dissoutes- est relancé. Mais cette relance est cependant timide, voire limitée, conjoncturelle. Les films ne sont produits, pour la plupart, que dans des occasions données. C'est dire qu'il n'existe vraiment pas de base solide sur laquelle viendrait s'ériger une production cinématographique effective, constante, durable. A constater aussi que la plupart des films produits souffrent d'un manque de visibilité. En d'autres termes, en dehors des projections en avant-première, rares sont ceux qui jouissent d'une diffusion à travers le territoire national. La cause : la quasi-inexistence de salles de cinéma. Ces lieux sont favorables à une très large médiatisation du cinéma algérien. En outre, le cinéma algérien est fait en marge de ce qui se fait ailleurs. Il est comme déconnecté des réalités actuelles de la fabrication de l'image. Autrement dit, il ne suit pas la marche de l'évolution de la production cinématographique, sachant qu'avec l'ère de l'essor des nouvelles technologiques en la matière, «l'industrie cinématographique a vécu et vit encore d'importantes évolutions au cours des 10 dernières années, évolutions liées notamment à la démocratisation des processus de fabrication et à l'intégration de nouveaux outils technologiques», constate Abdenour Hochiche, président de l'association Project'Heurts, initiatrice des rencontres cinématographiques de Béjaia, dont le coup d'envoi de la 13e édition a été donné hier. Et d'ajouter : «La production et la distribution ont aussi connu une mutation qui a donné lieu à une ouverture fulgurante des circuits de distribution, à l'augmentation du nombre de festivals et marchés spécialisés. Cette mutation a induit une nouvelle approche de la coproduction, qui, de fait, s'avère souvent de plus en plus internationale.» Abdenour Hochiche, qui regrette que l'Algérie manque cruellement d'une véritable industrie cinématographique, de schémas de production et de processus de distribution clairs estime : «Il devient impératif de créer les bases et les mécanismes nécessaires tel que des rencontres internationales de coproduction et dans une deuxième étape, un marché du film à dimension maghrébine, africaine et même internationale afin de débloquer le potentiel économique d'une industrie cinématographique algérienne en devenir.» Et dans le vœu de répondre à ces challenges, l'association Project'heurts organise, dans le cadre des Rencontres cinématographiques de Béjaîa, la première édition du «Béjaia film laboratoire ». Une nouveauté pour ce rendez-vous. «Le Béjaïa film laboratoire est une rencontre entre les porteurs de projets algériens (réalisateurs, producteurs) et des fonds de financement algériens et étrangers», explique Abdenour Hochiche, et de poursuivre : «L'objectif à terme est d'avoir un rendez-vous annuel dédié à la recherche de financements et à la présentation des projets pour la production, voire la post-production.» - La 13e édition des Rencontres cinématographiques de Béjaia se poursuit jusqu'au 11 septembre. La soirée inaugurale a été marquée par la projection du documentaire «10949 femmes» de Nassima Guessoum. Ce film, qui rend hommage aux combattantes de la Révolution algérienne à travers le portrait de Nassima Hablal, une des premières militantes du mouvement national, a été projeté à l'esplanade du musée Bordj Moussa. Nassima Guessoum, qui a passé sept ans à monter le film, a travaillé pour cela sans fard et sans artifice, laissant sa caméra se balader dans la stricte intimité de l'héroïne qu'elle restitue au final dans toute son authenticité et plénitude. L'héroïne s'est vouée entièrement à la révolution sans jamais réclamer de reconnaissance ou de gloriole. Ses convictions de jeunesse, ses espérances et son engagement entier pour la liberté de l'Algérie sont mis en exergue dans le documentaire. Courageuse et avant-gardiste, elle a dû en payer chèrement le prix, en se faisant traîner de prison en prison et en subissant les pires supplices de ses tortionnaires. Forte et d'une intelligence pétillante, elle révèle, au fil des images, une formidable puissance qui rend son histoire à la fois simple, saisissante et émouvante. Notons pour rappel qu'une trentaine de films, entre documentaires, courts et longs métrages, sont sélectionnés et présentés tout au long de la manifestation. En plus des projections, il y a un des ateliers d'écriture de documentaires, une table ronde sur le cinéma africain et les réseaux de financement. A cela s'ajoute, et pour la première fois, une exposition. En effet, le théâtre de Béjaia accueillera également l'exposition de photographies «Chawari 3», dont les auteurs seront conviés à une rencontre avec des réalisateurs et des directeurs de la photographie pour débattre des liens entre le cinéma et la photo. A ce propos, Abdenour Hochiche déclare : «Nous essayons de faire de ces Rencontres cinématographiques de Béjaia un lieu de rencontres du cinéma, mais aussi d'autres arts dans la mesure du possible.»