Résumé de la 7e partie n Belle-Heureuse est au comble du désespoir en réalisant qu?elle a été emmenée à Damas pour devenir la propriété du khalife. Mais Belle-Heureuse, au lieu de se découvrir le visage, fut terrifiée à cette seule idée et ramena complètement l'étoffe jusqu'au-dessous de son menton, d'une main tremblante. Et le khalife ne voulut point s'offusquer d'une action si extraordinaire et dit à Sett Zahia : «Je te confie cette jeune fille, et j'espère que, dans quelques jours, tu l'auras habituée à toi et encouragée et rendue moins timide.» Puis il jeta encore un regard sur Belle-Heureuse et ne put voir, hors des étoffes dont elle était étroitement drapée, que la jointure de ses fins poignets. Mais cette seule vue suffit pour la lui faire aimer à l'extrême : des poignets aussi admirablement moulés ne pouvaient appartenir qu'à une parfaite beauté ! Et il se retira. Alors Sett Zahia emmena Belle-Heureuse et la conduisit au hammam du palais, et la revêtit après le bain de robes fort belles et piqua dans ses cheveux plusieurs rangs de perles et de pierreries ; puis elle lui tint compagnie le reste de la journée, en essayant de l'habituer à elle. Mais Belle-Heureuse, bien que fort confuse des égards que lui témoignait la s?ur du khalife, ne pouvait arriver à tarir ses larmes et ne voulait pas non plus révéler la cause de ses peines. Car elle se disait que cela ne changerait guère sa destinée. Elle garda donc pour elle seule l'acuité de sa douleur et continua à se consumer le jour et la nuit, si bien qu'au bout de peu de temps, elle tomba gravement malade et l'on désespéra de la sauver, après avoir essayé sur elle la science des médecins les plus réputés de Damas. Quant à Bel-Heureux, fils de Printemps, voici. Vers le soir il rentra dans sa maison et, selon son habitude, s'allongea sur le divan et appela : «O Belle-Heureuse !» Mais, pour la première fois, personne ne répondit. Alors il se leva vivement et appela une seconde fois : «O Belle-Heureuse !» Mais personne ne répondit. Et personne non plus n'osa entrer. Car toutes les esclaves s'étaient cachées et nulle d'entre elles n'osait bouger. Alors Bel-Heureux se dirigea vers l'appartement de sa mère, et entra précipitamment ; il trouva sa mère assise toute triste la main sur la joue, et perdue dans ses pensées. A cette vue, son inquiétude ne fit qu'augmenter et il demanda avec effroi à sa mère : «Où est Belle-Heureuse ?...» Mais, pour toute réponse, l'épouse de Printemps fondit en larmes ; et puis elle soupira : «Qu'Allah nous protège, ô mon enfant ! Belle-Heureuse, en ton absence, est venue me demander la permission de sortir avec la vieille pour aller, m'a-t-elle dit, visiter un saint ouali qui accomplit des miracles. Et elle n'est pas encore rentrée. Ah ! mon fils, jamais mon c?ur n'a été tranquille depuis l'entrée de cette vieille dans notre maison. Notre portier non plus, ce vieux serviteur fidèle qui nous a tous élevés, ne l'a jamais regardée d'un ?il de paix ! J'ai toujours eu le pressentiment que cette vieille-là nous porterait malheur avec ses prières trop prolongées et ses regards si rusés !» Mais Bel-Heureux interrompit sa mère pour demander : «Quand, exactement, Belle-Heureuse est-elle sortie ?» Elle répondit : «Ce matin, de bonne heure, après ton départ pour le souk.» Et Bel-Heureux s'écria : «Tu vois, ma mère, à quoi cela nous sert de changer nos habitudes et d'accorder à nos femmes des libertés dont elles ne savent que faire et qui ne peuvent que leur être funestes ! Ah ! ma mère, pourquoi as-tu permis à Belle-Heureuse de sortir ? Qui sait où elle a pu s'égarer et si elle n'est pas tombée dans l'eau, et si un minaret ne l'a pas ensevelie sous sa chute ? Mais je vais courir chez le gouverneur pour l'obliger à faire immédiatement des recherches !» (à suivre...)