Opinion n Sachant que l'annonce d'un diagnostic engendre panique, angoisse et choc, les gens interrogés préfèrent le juste milieu : la vérité oui, mais il faut avant tout préparer le malade. Tous ceux que nous avons interrogés sur la nécessité de dire ou non la vérité au malade sont unanimes. Tous ont répondu que le médecin est tenu de dire la vérité, mais il doit trouver la manière pour le faire. A l'hôpital Frantz-Fanon de Blida, nous avons interrogé l'époux d'une cancéreuse. Il nous a déclaré que le cas de sa femme est un exemple de cette vérité sèche et choquante. «Quand le médecin a dit à ma femme qu'elle avait une tumeur, elle a été choquée au point de perdre la moitié de son poids en un temps record.» Il nous explique que dire la vérité est une bonne chose, «mais il faut tout d'abord préparer le malade à accepter sa maladie incurable». Une vieille dame, rencontrée à l'entrée de l'hôpital, elle aussi «victime de la vérité», nous a déclaré que la maladie est du ressort du«mektoub. C'est Dieu qui décide comme il veut. Mais, il ne faut tout de même pas choquer le malade. Moi, par exemple, je suis hypertendue, le médecin m'a annoncé crûment que j'ai des hémorroïdes. J'étais vraiment choquée. Maintenant, je commence à reprendre ma santé et mes esprits, mais difficilement.» Un homme de 52 ans, dont le fils est gravement malade, nous a déclaré qu'il ne faut pas dire la vérité au malade. Il faut, en revanche, la dire soit à ses parents ou à un membre de la famille pour les préparer au pire. Farid, lycéen de 17 ans, est, lui, partisan de la vérité : «Il faut dire la vérité au malade, je trouve que c'est mieux de savoir que d'ignorer sa maladie. Moi, si je tombais malade, je demanderais à mon médecin de me dire la vérité. Je ne peux pas fuir le mektoub.» Mourad, la quarantaine, gardien à la gare routière de Boufarik, partage l'option de dire la vérité. Mais à condition de choisir la manière la moins choquante. «Le médecin doit préparer le malade à la vérité pour atténuer le choc.» La psychologue du centre de consultation psychologique de l'Association de sauvegarde de la jeunesse de la wilaya de Blida est favorable à l'option de dire la vérité au malade. «Moi, j'aimerais bien connaître la nature de ma maladie. La vérité dépend du rapport qui lie le malade à son médecin. Le malade a besoin avant tout d'être écouté. Il y a une manière de lui expliquer sa maladie, de le rassurer et d'atténuer sa douleur. Le malade est avant tout un être sensible et fragile. Pour cela, il faut la présence de psychologues dans les hôpitaux. Dire la vérité sèchement au malade peut développer chez lui une dépression. Les cancéreux, par exemple, redoutent les traitements. Le plus important est que le cancérologue prenne du temps avec son patient.» l A la question «qu'est-ce qui effraie le plus les gens qui croient avoir un cancer ?» 54% ont répondu «la mort», 18% «la peur qu'on leur dise la vérité», 12% «la peur des blouses blanches», 5% «la peur d'être défiguré» et 5% «la peur de l'hospitalisation». Le docteur Oukali souligne ici l'importance de la frange de ceux qui ont peur qu'on leur dise la vérité. l Les Américains disent «la vérité, toute la vérité et rien que la vérité». Ils ont ainsi adopté l'expression consacrée par les tribunaux et pour cause, ils ont peur que leur soient intentés des procès, notamment pour les conséquences des thérapeutiques souvent agressives.