Résumé de la 11e partie n Schamsennahar tarde à reprendre conscience, malgré les soins de ses servantes. Lorsque le khalife vit qu'il pouvait enfin adresser la parole à sa favorite, il lui dit : «Schamsennahar, lumière de mes yeux, parle-moi, dis-moi la cause de ton mal pour que je puisse au moins t'être de quelque utilité ! Vois ! Je souffre moi-même de mon inaction !» Alors Schamsennahar fit un effort pour embrasser les pieds du khalife, qui ne lui en laissa pas le temps ; il lui prit les mains et doucement continua à l'interroger. Alors, d'une voix brisée, elle lui dit : «O émir des Croyants, le mal dont je souffre est passager ! Il est causé par certaines choses que j'ai mangées dans la journée et qui ont dû se contrarier au-dedans de moi !» Et le khalife lui demanda : «Qu'as-tu donc mangé, ô Schamsennahar ?» Elle répondit : «Deux citrons acides, six pommes aigres, une porcelaine de lait caillé, un gros morceau de kenafa avec, par dessus, tant la fringale me tenait, une poignée de pistaches salées et de graines de courge, avec pas mal de pois chiches confits au sucre et encore tout chauds, sortant du fourneau !» Alors le khalife s'écria : «O imprudente petite amie, en vérité tu m'étonnes ! Je ne doute point que ces choses ne soient infiniment délicieuses et appétissantes, mais encore faut-il te ménager un peu et empêcher ton âme de se jeter inconsidérément sur ce qu'elle aime ! Par Allah ! Ne te remets plus dans de pareils états !» Et le khalife qui, d'ordinaire, est si peu prodigue de paroles et de caresses pour les autres femmes, continua à parler à sa favorite avec beaucoup de ménagements, et il la veilla de la sorte jusqu'au matin. Mais comme il voyait que son état ne s'améliorait pas beaucoup, il fit mander tous les médecins du palais et de la ville, qui, comme de raison, se gardèrent bien de deviner la vraie cause du mal dont souffrait ma maîtresse et dont l'aggravation n'était due qu'à la contrainte où la mettait la présence du khalife. Ces savants lui prescrivirent une recette si compliquée que, malgré la meilleure volonté, ô ben Taher, je ne saurais t'en répéter un seul mot. Enfin le khalife, suivi de tous les médecins et des autres, finit par se retirer ; et je pus alors approcher librement de ma maîtresse ; et je lui couvris les mains de baisers et lui dis de telles paroles d'encouragement, en l'assurant que je prenais sur moi de lui faire de nouveau revoir le prince Ali ben Bekar, qu'elle finit par se laisser soigner par moi. Et aussitôt je lui donnai à boire un verre d'eau fraîche avec de l'eau de fleurs qui lui fit le plus grand bien. Et c'est alors que, s'oubliant elle-même, elle m'a ordonné de la laisser pour le moment et de courir chez toi prendre des nouvelles de son amant, dont je lui avais raconté, par le menu, le chagrin extrême. A ces paroles de la confidente, Abalhassan ben Taher lui dit : «O jeune fille, maintenant que je n'ai plus rien à t'apprendre sur l'état de notre ami, hâte-toi de retourner auprès de ta maîtresse, et de lui transmettre mes souhaits de paix ; et dis-lui combien, en apprenant ce qui lui était arrivé, j'ai éprouvé de chagrin ; et dis-lui bien que je n'ai pas manqué de trouver que c'était une bien dure épreuve, mais que je l'exhorte beaucoup à la patience et surtout à la plus stricte réserve dans ses paroles, de peur que la chose ne finisse par parvenir aux oreilles du khalife ! Et demain tu reviendras à ma boutique et, si Allah veut ! les nouvelles que nous nous donnerons mutuellement seront plus consolantes !» Alors la jeune fille le remercia beaucoup pour ses paroles et pour tous ses bons offices et le quitta. Et Abalhassan passa le reste de la journée dans sa boutique, qu'il ferma pourtant de meilleure heure que de coutume pour voler à la maison de son ami ben Bekar... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Le soir venu, elle reprit son récit. (à suivre...)