En approchant de sa masure, il vit sa femme laver le linge dans un magnifique baquet neuf. Mais au lieu d?avoir l?air réjoui, elle était furieuse. ? Quel idiot ! Quel âne ! Quel bon à rien ! hurla-t-elle en plongeant son bras dans l?eau pour y chercher un chiffon qu?elle lui jeta à la figure. ? Que?est-ce qui t?arrive ? demanda le vieil homme stupéfait. Depuis trente-trois ans que nous vivons ensemble, tu n?as jamais été comme ça ! ? Tais-toi, triple sot ! Tu ne pouvais pas au moins demander une maison neuve ? Regarde dans quel état est la nôtre. A quoi nous sert-il d?avoir un nouveau baquet, nous n?allons tout de même pas habiter dedans ! Le vieil homme soupira et retourna lentement au bord de la mer. ? Poisson, joli petit poisson doré, murmura-t-il. ? Que me veux-tu ? répondit le petit poisson d?une voix douce. ? Ne te fâche pas gentil poisson, bredouilla le vieil homme, mais ma femme désire une maison neuve. Elle ne fait que se lamenter et me traite d?idiot. ? Une maison n?est pas un prix trop élevé pour m?avoir sauvé la vie, répondit aimablement le poisson. Rentre chez toi, j?espère que ta femme sera satisfaite. Le vieux pêcheur se dépêcha de rentrer. Quelle ne fut pas sa stupeur de voir, à la place de leur vieille masure en terre battue, une belle maison de bois avec un toit solide, une cave et un grenier. Sa femme l?attendait à l?entrée, assise sur un banc. ? N?as-tu donc pas de cervelle ? vociféra-t-elle. Sa colère était si grande qu?elle faisait des étincelles et c?est miracle si le vieux pêcheur ne prit pas feu. ? Qu?ai-je encore fait ? s?étonna-t-il. N?as-tu pas eu ce que tu voulais ? ? Tu n?es qu?un nigaud ! Demander au poisson une maison, alors qu?il t?a dit qu?il exaucerait n?importe lequel de tes v?ux ! Qu?il garde sa maison, je préfère un château ! Le pauvre pêcheur tremblait maintenant de peur devant sa femme. Elle qui était si calme et gentille s?était transformée en furie. Plongé dans ses pensées, le vieil homme retourna vers la mer. Qu?allait penser le poisson ? se demandait-il avec inquiétude. Pour se redonner courage, il se dit que le poisson ne le mangerait pas et que ce serait bien pire s?il rentrait à la maison sans avoir contenté sa femme. ? Poisson, joli poisson, appela-t-il d?une voix timide. ? Que veux-tu encore ? demanda le poisson doré quelques instants plus tard. N?ai-je pas exaucé ton v?u ? ? Si, bredouilla le pauvre pêcheur, mais ma femme n?est pas contente. Elle ne veut plus d?une maison, elle veut un château. Elle veut porter des habits de velours et de soie, avoir de la vaisselle d?or et des verres de cristal, elle veut être entourée de valets? Elle mériterait une correction, mais je n?ose pas. ? Tu es un brave homme, dit le petit poisson. Retourne chez toi, ta femme sera satisfaite. Et sur ce, il disparut dans les vagues bleues de la mer. Le vieil homme rentra chez lui tout penaud. De loin, il aperçut le palais. Il était tout de marbre et d?albâtre. Sa femme, fière comme un paon, donnait des ordres à une multitude de valets et, jamais satisfaite, les giflait ou leur tirait les cheveux pour se faire obéir. Le vieil homme n?en croyait pas ses yeux. Le spectacle était trop affligeant. ? C?est moi, lui dit-il d?une voix tremblante en serrant son chapeau dans ses mains. Es-tu satisfaite maintenant ? La vieille femme le regarda avec mépris. ? Que veux-tu, misérable ? Retourne à l?écurie ! Change le fumier, porte de l?eau et de la nourriture aux chevaux. Quand tu auras fini, tu pourras dormir avec eux sur la paille. (à suivre...)