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Histoires vraies
Camarades (2e partie)
Publié dans Info Soir le 17 - 02 - 2008

Résumé de la 1re partie n Samuel se réveille sur son lit d'hôpital pour se rappeler qu'il a perdu à jamais, Jean-Marie, son unique ami d'enfance…
Des médecins allemands s'affairent autour de lui. Sans enthousiasme. Ils savent que ces soldats alsaciens ne font pas preuve d'une fidélité à toute épreuve envers le Führer.
Samuel a cependant la force de demander ce qui lui est arrivé :
— Tu as de la chance d'être encore vivant, camarade. Dans le trou d'obus où on t'a trouvé, tu étais le seul à être encore entier. Tous les autres étaient suspendus dans les arbres, et chacun dans plusieurs arbres !
Jean-Marie ! A-t-on des nouvelles de Jean-Marie Drolling ? Mon copain ! On ne s'est pas quittés depuis quinze ans !
L'infirmier fait une moue dubitative :
— Jean-Marie Drolling ? Inconnu au bataillon. En tout cas, nous n'avons eu personne de ce nom-là ici. S'il était encore vivant, il n'aurait pas pu aller ailleurs !
Alors, c'est donc vrai, Jean-Marie est mort ! Que va devenir Samuel sans Jean-Marie ?
Jamais, il en est certain, il ne pourra retrouver un aussi bon copain, jamais il ne connaîtra une telle amitié.
La guerre est terminée quand Samuel sort de l'hôpital. Mais il est «libéré», si l'on peut dire, par les Russes. Et ce sont quatre nouvelles années de souffrance. Samuel se retrouve expédié en Ukraine, comme «prisonnier de guerre». Les Russes, qui ont beaucoup à reprocher aux soldats du Reich, ne font guère la différence entre les Alsaciens enrôlés de force et les Allemands, plus ou moins enthousiasmés par le Troisième Reich. Samuel se retrouve dans un village perdu, affecté à la garde des cochons. Les habitants ne le traitent guère mieux que ses bêtes. Et puis, un jour les choses changent :
— Samuel, tu me plais beaucoup !
A présent, Samuel parle assez bien le russe pour comprendre ce que vient de lui dire Natacha, une forte fille aux joues roses. C'est un peu de tendresse dans un monde très hostile. Jusqu'au moment où Natacha lui annonce, les larmes aux yeux :
— Samuel, tu vas repartir chez toi, en Allemagne.
— Mais je ne suis pas Allemand ! Je suis Français ! Alsacien ! Ça fait quatre ans que je te le répète. Alsacien ! Tu m'as fait peur ! J'ai cru que tu allais me dire que tu étais enceinte !
Natacha baisse la tête.
— Mais aussi ça, Samuel, j'attends un bébé !
Bébé ou pas bébé, Natacha ou pas Natacha, personne ne demande l'avis de Samuel pour le réexpédier vers la France... Il rentre au pays, mais avec une joie largement teintée de mélancolie :
«Mon pauvre Jean-Marie tu devrais être avec moi ! Ma pauvre Natacha, te reverrai-je un jour ? Et cet enfant ? Me revoilà, éclopé, sans copain, sans amour, et loin du seul enfant que j'aie jamais eu... Quelle saloperie, la guerre !»
Après de nombreuses étapes, de tris, de papiers scrutés à la loupe, de contrôles sanitaires à n'en plus finir, Samuel se retrouve enfin dans le train qui va le déposer dans son village d'Alsace. Voilà huit ans qu'il n'y est pas revenu. Sont-ils prévenus de son retour ? Quelqu'un de la Croix-Rouge lui a affirmé que oui. Mais allez savoir. Quand on se nomme Samuel Gruber, qui sait si quelqu'un n'a pas commis une erreur d'aiguillage... Samuel laisse son esprit vagabonder :
«Et si Jean-Marie était là ? S'il n'était pas mort, après tout ? Peut-être qu'il sera sur le quai de la gare quand je descendrai du train. Et il me fera sa petite grimace habituelle, celle qui signifiait : «Je t'ai bien eu, petite tête de quetsche !»
Samuel en est là de ses rêveries quand ses yeux s'agrandissent :
— Jean-Marie ! Par sainte Odile ! Jean-Marie !
C'est bien Jean-Marie Drolling qui est là, dans le couloir, de l'autre côté de la vitre. Samuel en a les jambes coupées. Il n'a pas la force de se lever. (à suivre...)


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