Séquelles n Des étendues de forêts jaunâtres et calcinées, des centaines de maisons vides, sans portes ni fenêtres ni même de toit pour certaines. La décennie noire est passée par là. Au douar Belhadj, qui se trouve dans une zone montagneuse, à près de 20 km du chef-lieu de la daïra de Hadjout, des traces de présence humaine sont pourtant perceptibles. Comme la maison de El-Hadj Mohamed Belaghdji. Ce brave homme et sa famille ont eu le courage de regagner leur domicile qu'ils avaient déserté durant les années 1990. Ils étaient partis s'installer à Fedjana, comme des centaines de leurs voisins, d'ailleurs. La modeste maison donne l'impression d'être vide. C'est la seconde épouse d'El-Hadj Mohamed qui vient nous ouvrir et nous fait entrer. Une grande cour, des portes en bois et des chambres qui donnent l'impression d'être neuves. La femme de 48 ans fait part de son soulagement : «Je suis mieux ici chez moi et je me sens plus à l'aise maintenant surtout depuis que nous avons reçu l'aide de l'état qui ne nous a pas laissés tomber». Elle nous présente la fille de son mari, Kheïra, 35 ans, née du premier mariage d'El-Hadj. La jeune fille est seule dans sa chambre. Elle est atteinte d'une grave maladie. Elle fait tout pour nous expliquer qu'elle n'est pas handicapée ni d'ailleurs sa sœur et son frère. «Nous avons un problème d'équilibre et nous perdons le contrôle en restant debout», nous dit-elle. Mais il n'est pas difficile de constater que les symptômes qu'elle présente rappellent la maladie appelée «ataxie de Friedrich» qui est une maladie à transmission autosomique récessive, qui débute souvent dès l'enfance ou à l'adolescence, parfois même à l'âge adulte se manifestant par des troubles de la coordination de la position debout, des mouvements, de l'articulation, associés à d'autres signes neurologiques (abolition des réflexes, troubles de la sensibilité profonde…) ainsi que parfois au diabète. La maladie évolue progressivement et la marche devient impossible sans aide après 10 à 20 ans d'évolution. A quelques encablures de la maison, son frère Mohamed garde son troupeau de moutons. Sans rien nous dire, il se contente de nous regarder longuement tandis que son autre sœur, «Choumeissa», une femme de 45 ans mais qui n'en paraît que 18 à cause de sa frêle corpulence et qui promène un agneau blessé à la patte qu'elle venait de soigner… «Je suis bien ici, chez moi avec mon père, et rana hamdine Rabbi», dit-elle spontanément. La famille de El-Hadj Belaghdji est parmi celles qui ont fait le choix de revenir sur ses terres après plusieurs années. Il faut dire que les autorités ont tout fait pour faciliter leur retour. Le wali de Tipaza a visité le douar Belhadj à 3 reprises et s'est entretenu avec les représentants des habitants. De nombreuses familles hésitent cependant à franchir le pas.