Des cornes de bœuf pour tout partage, ce n'est vraiment pas la richesse. Pourtant, écoutez l'histoire du garçon qui en tira fortune. Il s'appelait Mungalo, et c'était le fils d'un grand chef. Son père était riche, très riche et il avait quantité d'épouses. Toutes aimaient bien leur mari, mais toutes étaient jalouses de la mère de Mungalo, sa première femme – sa favorite. Oh, elles ne s'en prenaient pas à la mère de Mungalo, jamais elles ne l'auraient osé. Elles s'en prenaient à Mungalo, c'était tellement plus facile ! Elles trouvaient toujours le moyen de lui faire mille misères. Mais Mungalo résistait bravement. Tous les matins, poussant devant lui les chèvres et les moutons de son père, il jouait de son petit tambour, et le son qu'il en tirait lui faisait oublier les tourments que lui infligeaient ses marâtres. Le soir, bien sûr, à son retour, elles redoublaient de malice. c'était à qui crierait le plus fort dès qu'il rentrait avec ses bêtes. Il n'avait pas franchi la crête qu'il entendait déjà leurs voix aigres : — Mungalo ! Mungalo ! Mungalo ! Elles avaient toutes une corvée pour lui – et de première urgence, on s'en doute ! Mungalo avait beau se démener, jamais elles n'étaient satisfaites. Et elles ne tenaient pas à l'être ; elles avaient bien soin, comme on dit, de «lui fournir un panier d'osier pour aller puiser de l'eau». Oh ! bien sûr, sa vraie mère, quand il était petit, l'avait entouré de tendresse et protégé de son mieux, elle lui avait donné des jouets, l'avait consolé souvent. Mais elle était morte, hélas ! et Mungalo, encore enfant, s'était retrouvé bien seul. Les jouets qu'elle lui avait donnés ? étaient cassés l'un après l'autre, même celui qu'il aimait le plus, un petit buffle d'argile. Il avait cependant gardé dans son cœur la promesse qu'elle lui avait faite : un jour, quand il serait grand, son père lui donnerait un buffle, un grand bœuf à bosse du troupeau, un bœuf tout blanc. Et les années passaient. Chaque matin, à l'aube, Mungalo se mettait en route avec ses bêtes, à la recherche d'un point d'eau, d'un coin d'herbe tendre. Veiller sur ce troupeau têtu n'avait rien d'une mince affaire, et pendant ce temps ses frères, les fils des nombreuses femmes de son père, jouaient sans se soucier de rien. Et quand Mungalo rentrait, tout ce qui l'attendait en fait de bienvenue c'était d'autres corvées encore. Pourtant il endurait ses misères sans rien dire et n'en soufflait jamais mot à son père. Vint enfin l'âge de l'initiation, selon l'usage de sa tribu, et juste après la cérémonie, comme sa mère le lui avait promis, son père lui fit don d'un bœuf blanc. c'était une grande belle bête, avec des cornes superbes – le plus beau de tous les bœufs du troupeau de son père.Mungalo espérait bien être enfin traité avec un peu de respect. Il était en âge de mener le troupeau de bœufs, et il possédait le plus fort, le plus admiré de tous. Mais la jalousie de ses marâtres n'en fut qu'attisée davantage. Il leur fallait trouver mieux encore pour faire souffrir Mungalo. La vie devenait intenable, et Mungalo décida un jour de quitter le toit paternel. Le lendemain matin, à l'aube, il monta sur son grand bœuf blanc et partit droit devant lui, sans même un dernier regard pour les terres de son père. Mungalo et son bœuf cheminèrent sept jours et sept nuits, sans presque s'arrêter si ce n'est pour boire un peu et se restaurer chichement. Le huitième jour, vers midi, ils se retrouvèrent dans une immense plaine. Le soleil ! y tapait si dur que dans l'air surchauffé le sol semblait se soulever comme les vagues de la mer. Mungalo avait faim et soif. Mais il avait beau regarder autour de lui, fouiller des yeux l'horizon, l'endroit était désert. Ni arbre, ni arbrisseau, ni le moindre signe d'eau. Alors il caressa son bœuf. — Mon pauvre vieux. Je t'ai arraché d'un lieu que tu connaissais pour te conduire ici, en un lieu inconnu. ]'ai voulu échapper à la lâche cruauté des femmes de mon père, mais quoi de plus cruel qu'une mort loin de tout, dans la faim et la soif ? Emu par sa détresse, le bœuf prit la parole : Mungalo, écoute-moi bien ! Fais un souhait, je l'exaucerai ; j'apaiserai ta soif et ta faim, Te vêtirai, te logerai. Frappe ma corne droite, trois fois, Ce que tu souhaites apparaîtra, Frappe ma corne gauche, deux fois, Aussitôt tout disparaîtra.(à suivre...)