Onze ans après le scandale de l?affaire dite des «magistrats faussaires», publiée en 1992 par le journal L?Hebdo libéré, un seul homme a osé se prononcer et clamer, haut et fort, la «vérité» qu?il détient. L?affaire éclate en 1992, Benyoucef Mellouk en est le principal acteur. Ce dernier occupe, de 1963 à 1971, le poste d?inspecteur général des affaires sociales au ministère des Moudjahidine à l?époque du ministre Benhamouda. En 1971, ce dernier est nommé ministre de la Justice par le président Houari Boumediene, depuis, plusieurs cadres du ministère des Moudjahidine rejoignent le ministère de la Justice, dont Mellouk qui, à la suite de ce changement, occupe le poste de chef de service des affaires sociales et du contentieux. La première mission qui lui est, alors confiée, est la création, avec d?autres responsables, d?un service pour l?assainissement de l?appareil judiciaire en application des instructions de Boumediene. Les instructions données par Benhamouda et Tayebi sont de commencer à «assainir les rangs des magistrats». Mellouk s?acharne sur les dossiers mis à sa disposition et commence à les étudier profondément un par un. Plus de trois cents dossiers sont passés alors au peigne fin. Il découvre ainsi que le trafic des fausses attestations communales a commencé dès la publication d?un décret dans les années 1970, qui stipule que pour être intégré dans les rangs des magistrats ou de celui des cadres de l?Etat dans les ministères et autres administrations publiques, il faut prouver sa participation à la lutte de libération nationale par la détention de la fameuse attestation. «Avec trois témoins, on établit, sans difficulté aucune, les attestations communales.» «Certains, poursuit Mellouk, déposent même des attestations stipulant qu?ils étaient djoundis dans l?ALN, au moment où, dans leurs dossiers administratifs, est établi qu?ils ont occupé, pendant la même période, des fonctions dans l?administration coloniale et les tribunaux.» Mellouk explique que sur les 600 magistrats de l?époque, un nombre considérable figure sur la liste. D?emblée, il informe de l?ampleur de la fraude le ministre de la Justice et garde des Sceaux de l?époque, Boualem Benhamouda, qui convoque, en 1975, au siège de son département, le Conseil supérieur des magistrats pour faire cas de la situation. Près de neuf magistrats ont fait ensuite l?objet de révocation alors que sept autres ont été mis à la retraite pour «comportement incompatible avec leur fonction». Ces faits ont été rapportés par El Moudjahid de la même année. Bénéficiant d?appui et de soutien de différentes institutions étatiques, «les magistrats faussaires ont pu tenir tête au ministre». C?est alors qu?en 1978, lors du Conseil des ministres, Houari Boumediene décide de publier la circulaire n° 640 et d?opérer ensuite un assainissement dans les dossiers des moudjahidine pour débusquer les faux et ce dans tous les secteurs. La circulaire est répercutée par le ministre de la Justice, Abdelmalek Benhabyles et son SG, Mohammed Salah Mohammedi qui la transmet à son directeur personnel pour atterrir ensuite au service de Mellouk, chef de service des affaires sociales. Ce dernier transmet à sa hiérarchie plus de 40 dossiers de magistrats incomplets ou présentant des anomalies. Survient brusquement la mort de Houari Boumediene, le ministre de la Justice et son SG profitent de cet événement pour bloquer l?opération d?assainissement. Mellouk engage alors une vraie guerre et informe tous les supérieurs qui suivront à la tête du ministère, en vain. Au contraire, il sera en 1981, à la suite d?un arrêté ministériel, mis à l?écart et traînera à longueur de journée dans les bureaux, sans aucune fonction. En 1986, il sera officiellement réintégré à son poste avec la nomination de Benhabyles à la présidence de la Cour suprême. Une autre mission lui est alors attribuée : contrôler la qualité des membres de l?Ocfln permanents, les pressions s?ensuivent. Une autre fois, Mellouk est relevé de ses fonctions et Benhabyles démissionne. Pourtant, il ne baisse pas les bras et mène une vraie campagne d?information entre 1988 et 1992. Ne voyant rien venir, il s?adresse à la presse. L?affaire se retourne ensuite contre lui, Mellouk est poursuivi en justice et emprisonné à deux reprises. Il sera condamné à trois ans de prison avec sursis. Son salaire est bloqué. Père de deux enfants, il vit actuellement de sa pension de moudjahid.