Souffrance n «J'ai peur de mourir et de les laisser seuls», nous dit El-hadja Halima, 64 ans, dont les 3 enfants sont devenus, en l'espace de quelques mois, handicapés moteur à la fleur de l'âge. C'est quasiment à l'âge de 25-30 ans, que ce malheur a frappé les 3 enfants de cette femme, à la suite d'une maladie jusque-là inconnue chez nous. Khalti Halima se retrouve avec un 4e handicapé à 80%, Abdeslam, qui boite à la suite d'une infection osseuse mal traitée au niveau du fémur (ostéomyélite). Khalti Halima, qui ne pèse pas plus de 45 kilos, est, elle aussi, handicapée puisqu'elle souffre d'une déficience mentale légère et d'une dépression, suite au choc de voir ses enfants souffrir en silence et de n'avoir rien pu faire pour eux. Elle est lasse, et pourtant elle doit subir une intervention chirurgicale pour une hernie «parce qu'elle lève mes frères trop lourds pour elle quand elle doit les doucher et les conduire aux toilettes», nous dit Abdeslam, ce jeune universitaire qui a dû abandonner ses études pour s'occuper de ses frères et aider sa mère. Le compte rendu de l'assistante sociale de Tipaza qui leur a rendu visite le 10 octobre 2000, a fait état de l'incapacité mentale (déficience légère) de la maman entraînant des difficultés pour s'occuper de ses enfants. C'est l'histoire tragique de la famille Belmadani de Fouka (Tipaza) dont le père, vivant en France, n'a pu, selon Abdeslam, leur procurer une prise en charge en France. «ils n'ont pas été acceptés en France, c'est pourquoi je voudrais qu'ils se fassent traiter dans notre pays», reprend l'universitaire, père de 2 enfants, diplômés en informatique et finances. «les instances ne peuvent rester insensibles et négliger les problèmes que pose l'ensemble de la famille», dit encore le compte rendu de l'assistante sociale. Mohamed, l'aîné, âgé de 45 ans, a été le premier à avoir à l'âge de 25 ans, contracté cette maladie «bizarre». Ce qu'il sait, c'est qu'à partir de l'âge de 32 ans, il a complètement perdu l'équilibre et l'usage de ses membres inférieurs. Désespéré, il s'est volontairement isolé avec ses compagnons de jour et de nuit (El-Anka, Dahmane El-Harrachi et Deriassa). Lui, qui était n°11 dans son équipe de football de Fouka. Abdeslam Mahfoud, 39 ans, a connu les débuts des troubles de cette curieuse maladie à l'âge de 20 ans, «trois cas similaires existent dans la famille, 2 frères et un cousin avec des difficultés d'élocution», cite le document. Cette pathologie, selon notre petite recherche, regroupe les altérations de la voix, de l'articulation, de la déglutition et autres fonctions buccales suite à une lésion neurologique centrale. On la trouve donc accompagnant des maladies neurologiques (la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques). La grave maladie que les médecins expliquent par une consanguinité (les deux parents sont cousins), commence depuis ces 5 dernières années à toucher Abdelkrim, 30 ans. Ce jeune, bon vivant et aimant la vie, menait très bien son cursus de formation professionnelle en réparation radio-Tv. «certains réparateurs ne m'ont pas accepté à cause de mon handicap, car ils sous-estiment mes compétences», nous a-t-il difficilement exprimé. Et d'ajouter : «je défie quiconque que je vais guérir. Je crois à la science car elle a beaucoup progressé. C'est une question de moyens ici.». Isolement total n Les 3 frères se sont mis volontairement en quarantaine. Aucune fenêtre n'est ouverte ou même entrouverte, selon notre constat sur place ! L'aîné, un grand fumeur s'enferme jour et nuit dans sa chambre. Idem pour le second. Le 3e s'efforce de ne pas céder à la maladie. Le journal est le seul dénominateur commun aux trois. «ils lisent et relisent à tour de rôle les journaux et sont au courant de tout ce qui se passe dans le monde. Mais la maladie empire et leur cas s'aggrave. Ma mère ne se retrouve plus. Elle risque d'un moment à l'autre de rechuter et faire «éclater» son opération à force de les soulever seule, notamment durant la journée où je suis absent», craint Abdeslam. «on leur a promis de les traiter et de les guérir définitivement, en vain. C'est la raison pour laquelle ils ont perdu confiance en les autres y compris aux médecins au point qu'ils n'acceptent plus de sortir de la maison. J'essaye de les sortir de temps à autre, mais je ne peux me le permettre à chaque fois», nous confie Abdeslam qui nous montre des documents attestant qu'il a déjà sollicité les ministères de la solidarité et de la santé pour se pencher sur le cas de ses frères. «Mais aucune suite ne nous a été donnée», conclut-il.