Une large campagne d'information et de prévention contre toutes les formes de violence à l'encontre des enfants a été lancée, hier à Alger, plus précisément à l'hôtel Hilton, à l'initiative de l'Unicef (Fonds des Nations unies pour l'enfance). Elle durera toute une année. Des membres actifs de la société civile y prennent part, à l'exemple des réseaux Nada et Wassila, des scouts musulmans algériens, de la Fédération nationale des associations des personnes handicapées et autres organismes impliqués, de façon directe ou indirecte, dans la lutte contre la maltraitance de l'enfance. De prime abord, Mme Nadia Ait Zaï, la présidente du Ciddef, a tenu à rappeler que la législation algérienne est riche en termes de textes de lois assurant la protection et la prise en charge des enfants, qu'ils concernent tous les aspects et sont très sévères. Seulement, en matière d'application il reste beaucoup à faire. «Il y a des manques et des failles à rattraper. C'est pour cela qu'il est impératif d'aborder la question sous tous ses angles, en faisant participer toutes les parties, des institutions de l'Etat, aux représentants de la société civile, à l'enfant qui a subi le mauvais traitement.» Nadia Ait Zaï, peu optimiste, estime que la situation est critique du fait notamment que les familles se refusent le droit de dénoncer le crime et son auteur. «Il y a un tel silence des familles autour de cette question. Beaucoup craignent la réaction négative de la société, la mauvaise réputation, le rejet. Elles gardent le silence, le secret, dans la grande douleur», dit-elle. Il est pourtant nécessaire, poursuit-elle, de toujours signaler l'acte aux services concernés (police, gendarmerie, juge des mineurs) pour qu'une enquête soit déclenchée, l'auteur de l'acte de violence puni et que l'enfant retrouve la sécurité. Pour cela, un mécanisme d'alerte est prévu par la loi. Ce que les spécialistes du domaine appellent système de signalisation, mais ce dernier n'est pas encore construit comme il se doit. Il est juste contenu dans les dispositions de lois sans réelle application sur le terrain. En termes de chiffres, il est difficile, s'accordent les intervenants, d'avancer des chiffres officiels. Chaque organisme possède ses propres chiffes. Par exemple, certains estiment que 80% des violences sexuelles se produisent dans les foyers. Autrement dit, il s'agit d'inceste. Ce que réfute avec force une représentante du ministère de la Justice qui trouve cela vraiment exagéré, sans toutefois qu'elle ne donne, elle, les chiffres de son département. Pour Abderrahmane Arar, président du réseau Nada, il y a une moyenne de 9 000 cas d'agressions sexuelles par an en Algérie. Les enfants présentés à la justice entre 10 000 et 11 000 cas. Ce sont des mineurs et des acteurs, précise le représentant du réseau Nada, qui donne un autre chiffre : «Nous avons entre 10 à 40 cas d'appels par jour pour agressions sexuelles, un à deux cas d'inceste. C'est énorme. Il faut absolument trouver les moyens de contourner ce phénomène qui est d'ailleurs en augmentation constante, de l'avis de tous. C'est normal, le nombre des délinquants et criminels ne cesse d'augmenter.» Pour sa part, Mme Atika Mammeri, présidente de la Fédération des associations des personnes handicapées, soulève le problème d'absence d'un médiateur social, d'un conseiller familial. Ce qui rend plus difficile encore le travail des familles sur elles mêmes pour surmonter les épreuves multiples auxquelles elles font face. Comme le dit Mme Nadia Ait Zaï : «La famille algérienne est trop fragile aujourd'hui.» K. M.