Il y a certaines dates, qui nous échappent, impossible de se les rappeler, même en mettant à contribution des milliards de neurones, rien n'y fait, c'est le trou noir pour ne pas dire page blanche. Par contre d'un autre côté il y en a qui restent gravées à jamais dans notre subconscient, indélébiles tellement elles sont incrustées dans la mémoire, comme ce fut le cas ce 4 juin 2017. Je venais d'arriver au siège du journal, où une drôle d'ambiance m'envahit à ce moment précis, un sentiment de déjà-vu, un flash-back qui me remonta 17 ans en arrière, lors de la disparition tragique d'un des fondateurs de La Tribune, le défunt Kheïredine Ameyar. Une fraction de seconde m'a suffi pour revenir à la dure et triste réalité. Deux monstres sacrés de la presse nationale, disparus un même mois de juin. À l'intérieur, des visages familiers et fermés, Djamel, Hasna, Ammi Ahmed, Hichem, Zoheïr, Sihem m'apprirent la terrible nouvelle qui venait de s'abattre à nouveau sur le journal. Non ! Arrêtez les gars et sortez fissa, votre caméra caché, vue que la veille du décès du directeur de la publication, au journal on avait longuement débattu sur ces caméras cachés trash diffusées pendant le mois sacré de Ramadhan. Nous sommes tous impuissants face à la puissance divine, vous êtes parti sur la pointe des pieds, ce soir là du journal, votre vieux cartable usé que vous appréciait tant à la main et de ma lucarne je vous disais que le je venais d'envoyer le mail à Nounou, comme vous me l'aviez demandé, après vous avoir souhaité auparavant un bon f'tour, vous me remerciez tout en me rendant la pareille. Une fois, à la fin d'une des réunions de rédaction, je m'étais «emporté» contre le traitement réservé à la couverture des Jeux paralympiques par rapport à ceux plus classiques des Jeux olympiques, et vous m'aviez sorti votre magnifique réplique en kabyle châtié : «Esslaakan ken !»(Calme-toi). Votre façon à vous de me dire de m'exprimer dans un papier et de prendre du plaisir… Le lendemain, je «pondais» mon écrit en question, non pas pour simplement le fait d'écrire, mais surtout pour réparer une injustice faite envers une frange de la société qui n'a jamais cessé de faire la fierté de toute une nation en brandissant l'emblème national le plus haut possible. Monsieur Bachir, vous m'avez toujours encouragé à faire le grand saut dans l'écriture, à chaque fois que je remettais un papier à la rédaction. Vous aviez aussi à l'adresse de la rédaction cette phrase magique, qui retentira à jamais, dans mes oreilles : «Vous avez fais un très bon numéro…. Sans augmentation !», ce qui déclenchait à chaque fois un fou rire généralisé. Je suis là, à écrire, ma modeste contribution à celui qui a été mon directeur, comment parler de vous au passé, véritable dilemme pour moi aujourd'hui… Abdelkrim qui a été mon directeur de rédaction en écrivant mon papier. J'ai pris connaissance des papiers hommage de la veille dont le tien, de samira et son inséparable sourire et touchant, Malik et sa bonne humeur, Mounira et son flegme légendaire, Saliha et Nounou les acrobates de la langue française, Abdelkrim. Je vois que nous avons eu la même idée de la «Giga» RDR (réunion de rédaction), si chère à Bachir Chérif, une sorte de pensée télépathique qui nous a traversé à ce moment là. Pour une fois, Monsieur Bachir, assis sur votre nuage, vous esquissez un large sourire, vous avez réussi votre coup, en organisant votre méga réunion de rédaction ; une marque de fabrique de la Maison La Tribune. Vous n'avez pas eu à sonner le rappel des troupes (qui dans notre jargon signifie tout bonnement la fameuse réunion). Bachir, dimanche dernier, ce n'est plus la dizaine de journalistes qu'il fallait «dénicher» ici et là, non ce jour là ce fut des centaines de confrères et de consœurs, toutes générations confondues, et d'anonymes qui vous faisaient face, qui se sont présentés spontanément, sous une pluie battante d'un mois de juin, toute une symbolique… Vous vous êtes retirés de ce bas-monde précipitamment, sans prévenir, pour un autre meilleur et apaisé. Ce qui me manquera le plus, honnêtement et franchement, ce n'est pas la réunion que nous connaissons, mais votre absence qui se fait déjà ressentir au travers de ces murs. Reposez en paix Monsieur Bachir.