De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Le tribunal criminel de la cour de Tizi Ouzou a décidé hier matin, après une heure et demie de séance, de renvoyer l'affaire de l'assassinat de Lounes Matoub pour «complément d'enquête permettant la manifestation de la vérité», a déclaré le président de l'audience après près d'une heure de délibération et suite à la demande de réouverture du dossier de cette affaire faite par la composante de la partie civile. L'audience, qui s'était tenue dans une ambiance tendue et particulière et un renforcement du dispositif de sécurité tant dans la salle qu'à l'extérieur, a été aussi marquée par les déclarations fracassantes de la mère de Lounes Matoub sous les applaudissements des nombreuses personnes présentes dans la salle et l'acquiescement manifeste des deux accusés. Avec émotion, elle dira qu'elle ne veut que la vérité et que «la vérité était facile à savoir». Elle ajoutera que son exigence est que l'on «juge ceux qui ont assassiné Lounes [ils sont six, selon elle] et qu'on laisse sortir de prison» les deux prévenus emprisonnés depuis plus de 8 ans dans le cadre de cette affaire, à savoir Chenoui et Medjnoune, «avec qui nous n'avons aucun problème». Les avocats de la partie civile, Mes Bouchachi, Heddouche et Rahem (constitués par la mère et la sœur de Matoub) ont fait un certain nombre de demandes «nécessaires à l'éclatement de la vérité» et qui n'étaient pas réunies pour l'audience d'hier, selon leurs déclarations, telles que la présence à l'audience des témoins convoqués et cités dans l'arrêt de renvoi et ceux, une cinquantaine, cités dans la liste additive transmise dans les délais au parquet, la présence d'experts, la reconstitution des faits, la confrontation des deux autopsies ou une contre-expertise et l'étude balistique, synonymes d'une demande pure et simple de réouverture du dossier qui tient en haleine l'opinion publique régionale et les militants des droits de l'Homme depuis plus de dix. Me Hanoune, avocat de Nadia Matoub, la femme du «Rebelle», présente elle aussi à l'audience, a soumis au juge les justificatifs d'absence des deux sœurs de Nadia, Ouerda et Farida, témoins oculaires du crime, alors que Me Sidhoum, avocat de l'un des deux prévenus, a demandé au tribunal les raisons de maintenir aussi longtemps des personnes en prison sans procès et sans les faire bénéficier de procédures judiciaires existantes en faveur des détenus et de la défense. Malika Matoub a qualifié le renvoi de l'affaire pour complément d'enquête, lors d'une conférence de presse organisée hier eu début d'après-midi, d'«énorme avancée pour l'affaire Matoub et les droits de l'Homme», ce qui veut dire, selon elle, qu'on doit revenir au tout début de l'affaire et tout recommencer à partir du 25 juin 1998, indiquant que le dossier «ne doit pas attendre encore dix ans et que, au plus tard l'automne ou l'hiver prochain, le procès de l'assassinat de Lounes doit se tenir». Elle sera confortée dans ses dires par Me Rahem qui a affirmé au cours de la même conférence de presse que «le complément d'enquête doit intervenir dans les meilleurs délais pour que les preuves restent toujours. Dès la rentrée prochaine, un juge doit commencer cette enquête complémentaire» tout en ayant le sentiment que, «peut-être, il y a une volonté d'aller au fond du dossier». A noter qu'à la prononciation du renvoi de l'affaire, les deux prévenus, Chenoui et Medjnoune, qui tentaient, pendant un long moment de colère, d'échapper à l'étreinte des policiers, se sont adressés à la mère et à la sœur de Lounes Matoub et ont crié leur innocence dans l'assassinat du «Rebelle». La mère de Matoub et une partie de l'assistance ont répondu à leurs cris par les slogans «pouvoir assassin» et «ulac smah ulac» (pas d'impunité). Rendez-vous dans quelques mois pour le procès Lounes Matoub ?