L'Algérie connaît, depuis quelques mois, un mouvement de protestation à caractère social sans précédent. Des personnels de l'éducation à ceux la santé en passant par les agents municipaux, tous les protestataires ont un point commun : ils travaillent dans les institutions de l'Etat mais leurs salaires sont dérisoires, pour ne pas dire «honteux», pour reprendre les termes d'un syndicaliste. Pourtant, à entendre les responsables, les salaires ont augmenté, du moins depuis une décennie, à des proportions inégalées. Mais dans les faits, il ne s'agit que d'augmentations chiffrées. En effet, à y voir de près, le SNMG (salaire national minimum garanti), qui englobe même les primes, a augmenté de 8 000 DA en 2000 à 15 000 en 2010. Une évolution de près de 90%. Enorme, diront les spécialistes des chiffres et ils sont nombreux au gouvernement. Mais la réalité est tout autre. Car, si l'évolution est indéniable, puisqu'il n'y a pas que les smicards qui ont été augmentés, le rapport de ces évaluations salariales avec la réalité est une autre histoire. Une question s'impose à ce sujet : sur quelle base les autorités algériennes décident d'augmenter ou pas le SNMG (qui n'entraîne pas l'augmentation des autres salaires) ? Y a-t-il étude préalable des besoins ? A-t-on pris en compte l'indice des prix ? Le salaire minimum est-il, comme dans beaucoup de pays, calculé sur le triptyque productivité-inflation-croissance adopté en sciences économiques ? Là, il faut rappeler que l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a toujours plaidé pour cette dernière option, même si les exigences politiques ont fait qu'il a fini par le pousser à céder en faveur de la décision présidentielle d'augmenter le salaire minimum. En réalité, aucune des trois options n'est prise en compte. Seules les exigences politiques, liées à la conjoncture, déterminent la chose. Preuve en est que le montant de l'augmentation est décidé, non pas après des «négociations», mais plutôt sur injonction politique. C'est du moins ce que démontre une étude du CREAD. Il est, cependant, loisible de constater que ces augmentations sont loin, très loin, de répondre à une réalité. La raison est simple. Une petite tournée dans certains marchés des grandes villes nous donne un indice très simple : il est impossible de vivre décemment avec 15 000 DA. Même avec le double. A moins que l'on considère que manger un pain accompagné d'un litre de lait par jour est suffisant. Et là, c'est malheureusement une tendance, on ne parle que des prix des produits alimentaires. L'impasse est faite sur le reste. Puisque si l'on inclut les frais médicaux, les transports, et les dépenses liées au logement (loyer, électricité, téléphone et eau) on n'est jamais tiré d'affaire. Des études menées par des syndicats (y compris l'UGTA) indiquent que les salaires des Algériens sont loin de répondre aux exigences d'une vie décente. Peut-on, en fait, vivre avec un SNMG à 15 000 DA alors que dans les grandes villes, il n'existe pratiquement plus de loyer à cette hauteur ? Le lecteur peut juger de lui-même. En revanche, certains citoyens ont trouvé la parade. Les crédits à la consommation font, en effet, des ravages dans la société. Alléchantes, certaines offres conduisent au surendettement et, partant, à la destruction de la cellule familiale. La suppression du crédit à la consommation en 2009 n'a pas arrangé les choses. Et les Algériens ne trouvent toujours pas de solutions. Le gouvernement non plus. A. B.