Photo : Zoheir Par Badiaa Amarni Depuis 2008, le gouvernement enchaîne mesure sur mesure pour relancer l'économie nationale qu'il veut diversifier, pour cesser la dépendance vis-à-vis de l'étranger en matière d'importations et même la dépendance à l'égard des hydrocarbures en matière d'exportations. La politique de l'Etat a pour objectif d'encourager la production nationale et de réduire les importations qui grèvent son budget. Parallèlement aux mesures d'encadrement de l'économie, des moyens colossaux sont injectés dans différents secteurs d'activité où de grands projets dans divers domaines, agriculture, énergie, eau, habitat, industrie, sont lancés. A la faveur de ces nouveaux programmes, beaucoup d'entreprises, notamment des PME (petites et moyennes entreprises) ont vu le jour, mais aussi de grandes sociétés dans plusieurs créneaux d'activité. Si ces entreprises ont réussi à se frayer une place sur l'échiquier économique, elles n'arrivent pas toujours à s'adapter aux changements. Nombreux d'ailleurs sont les opérateurs économiques à émettre des critiques à l'égard de ces mesures, à l'exemple du Forum des chefs d'entreprise (FCE), l'une des organisations patronales à être catégorique sur la situation de l'économie nationale, qui souligne que le climat des affaires n'est pas au beau fixe et qu'il y a même un ralentissement. Les avis convergent Nombreux sont les opérateurs économiques qui nous ont livré leur avis sur cette question. Ils sont unanimes à dire que le climat des affaires n'est pas stable et qu'il entrave le bon fonctionnement de leur entreprise. Ils n'hésitent pas d'ailleurs à revenir sur la loi de finances complémentaire (LFC) 2009 en l'incriminant même comme étant la source de ce ralentissement dans les affaires. Beaucoup disent que la généralisation du crédit documentaire est à l'origine de grands retards dans la livraison des matières premières qui entrent dans la production nationale, ce qui freine le marché local. «Effectivement nous ressentons un climat d'affaires très lourd qui se répercute même sur notre chiffre d'affaires actuellement en chute libre, et donc sur nos produits dont les prix connaissent une hausse», nous explique le représentant d'une unité de montage de micro-ordinateurs. Cette situation a été, selon lui, «entraînée par l'instauration du crédit documentaire dans le cadre de la LFC 2009, ce qui retarde nos affaires». Notre interlocuteur note de nombreuses difficultés avec les fournisseurs étrangers. Ces derniers accordaient des facilitations de 30 à 90 jours à l'entreprise pour payer la marchandise consistant en la matière première qui entre dans la fabrication d'ordinateurs et d'ordinateurs portables. «Nous avions un grand chiffre d'affaires et nous travaillions bien. Maintenant l'obligation de payer cash la marchandise nous freine dans le travail», dira-t-il. Et d'ajouter qu'«au lieu de faire beaucoup de montages, et d'avancer nos projets, nous nous contentons de peu, ce qui entraîne des augmentations sur les prix que le client paye au final puisque l'offre est actuellement inférieure à la demande». Plus encore, «avant, les conteneurs chargés sortaient du port dans un délai n'excédant pas les 15 jours, aujourd'hui la livraison se fait en un mois avec tout ce que cela peut avoir comme retard sur la fabrication. Un véritable parcours du combattant, et les marchés n'aboutissent pas à cause de ce système. Plus encore, avant, on pouvait faire des crédits à nos clients pour l'achat de matériel informatique, actuellement impossible puisque nous-mêmes nous sommes confrontés à un problème pour payer à l'avance nos fournisseurs», ajoutera notre interlocuteur. Un autre opérateur économique s'insurge contre le manque de communication de la part des autorités. «Les opérateurs ne sont jamais consultés. Ce sont des lois qui nous sont imposées sans concertation aucune avec les premiers concernés.» Cet état de fait, explique-t-il, engendre un ralentissement du climat des affaires «et tout le monde est affecté, et dans tous les domaines par la nouvelle mesure de la lettre de crédit (LC) qui a rallongé nos délais d'importation d'un minimum de 45 jours». Et d'enchaîner : «Cette situation fait que la trésorerie des entreprises est aussi très sollicitée, c'est-à-dire que la LC mobilise 100% du montant de la facture à payer et il faut attendre 75 jours avant de recevoir la marchandise. C'est un énorme frein, ce qui crée des ruptures de stocks et par là même la rareté des produits sur le marché.» Assainir la situation en concertation avec les opérateurs Un autre gérant d'une PME nous dit que le climat des affaires reste en deçà des attentes des opérateurs. «Des freins sont mis de partout, comment voulez-vous que les affaires aillent de l'avant ?» s'interroge-t-il. Même si notre interlocuteur affiche son accord pour que «l'Etat remette les pendules à l'heure, en assainissant la situation pour relancer la fabrication locale», il n'en demeure pas moins qu'il dit «ne pas être d'accord avec la façon dont les opérateurs économiques sont traités». Cet opérateur regrette que, du jour au lendemain, les lois changent et perturbent ceux qui ont des contrats et des engagements à honorer. «Ils ne nous donnent même pas le temps de nous préparer au changement ou le choix de nous convertir dans d'autres créneaux.» Cet homme d'affaires signale que ce n'est pas tant la LFC 2009 et les mesures qu'elle renferme qui dérangent mais la façon de la mettre en place sans donner des délais raisonnables aux opérateurs pour s'y adapter et mieux l'appliquer.