Au Proche-Orient, région explosive par excellence, les allégations sur une éventuelle dotation du Hezbollah en missiles Scud par la Syrie et l'Iran fait l'actualité. Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem réplique en évoquant une campagne de calomnies américaine. «Le monde entier reconnaît le rôle constructif joué par la Syrie pour préserver la sécurité et la stabilité dans la région et l'opinion publique se rappelle encore la campagne de calomnies américaine lancée avant la guerre en Irak», a affirmé Mouallem. Pour les Syriens, «l'administration américaine actuelle tente de jouer le même scénario». Tout a commencé quand le président israélien Shimon Peres a surencherit en accusant Damas de fournir au Hezbollah des missiles Scud, susceptibles d'atteindre des cibles lointaines. Le Scud a été rendu célèbre par l'armée irakienne durant la première guerre du golfe. Conçus et produits à l'origine par les Soviétiques, les missiles Scud mesurent en général 11 mètres de long pour une portée de 300 à 500 km. Cependant, le Hezbollah n'est pas nécessairement intéressé par l'acquisition de ces armes. La difficulté de leur manipulation ouvre le risque qu'ils soient repérés par l'armée israélienne. Le Hezbollah, qui a opté pour la guérilla, se passerait allégrement d'un tel armement. Le branle-bas continue. La secrétaire d'Etat américaine Hilary Clinton a averti le président syrien Bachar El Assad que ses «décisions pourraient signifier la guerre ou la paix dans la région». Le discours a été prononcé devant la commission juive américaine (AJC), un lobby juif très actif. «Nous avons exposé avec force les graves dangers que fait courir le transfert d'armes de la Syrie au Hezbollah», a dit la secrétaire d'Etat, pour qui Damas veut «déstabiliser» le Proche-Orient. Réponse ferme de Mouallem : «Ce qui déstabilise la région, c'est la fourniture par les Etats-Unis de quantités importantes d'armes sophistiquées à Israël et le fait que les Etats-Unis adhèrent aux allégations injustes du gouvernement israélien.» La crise des Scud survient au moment où les rapports entre Damas et Washington ont entamé un regain d'amélioration après plusieurs années de tensions. Le Sénat américain étudie la nomination, par le président Barack Obama, d'un nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Syrie. Robert Ford pourrait être le premier ambassadeur américain en poste à Damas depuis 2005. La France ne pouvait être en reste dans l'affaire des Scud. Paris demande à la Syrie de sécuriser sa frontière avec le Liban. «La situation est grave, dangereuse. Il y a un surarmement, des missiles à courte portée, à moyenne portée, peut-être à longue portée et cela nous préoccupe», a affirmé le ministre français des AE. La situation est «dangereuse et cela renforce bien des extrémismes», a dit le responsable français. Paris entend ainsi peser sur la situation. Selon l'Etat juif, qui occupe illégalement des terres et menace ses voisins, le Hezbollah possèderait plus de 40 000 roquettes, dont certaines d'une portée supérieure à 300 km. Une situation «inacceptable» pour l'allié américain. Le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Robert Gates, accuse de son côté l'Iran et la Syrie de fournir au Hezbollah roquettes et missiles «aux capacités de plus en plus importantes». La Syrie a fermement démenti ces accusations. Mais la tension n'est pas retombée pour autant. Le secrétaire d'Etat américain à la Défense a chargé la Syrie et l'Iran, estimant que leur prétendue assistance militaire au mouvement libanais «déstabilisait» la région. La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, à son tour, a averti le président syrien Bachar El Assad qu'un transfert d'armes de la Syrie au Hezbollah, «en particulier de missiles à longue portée», menacerait la sécurité d'Israël, «déstabiliserait profondément la région» et violerait la résolution de l'ONU régulant les importations d'armes au Liban. Durant l'agression israélienne contre le Liban de l'été 2006, le mouvement de résistance libanais s'est caractérisé par une résistance farouche devant l'armada israélienne. Plus de 1 200 libanais sont morts dans l'agression. Les pressions visant les syriens ont fait réagir Téhéran. L'Iran ripostera si Israël lance une attaque contre la Syrie, a affirmé le vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi. En visite à Damas, le responsable iranien dira que son pays sera «aux côtés de la Syrie contre toute menace et si les violeurs de la terre palestinienne veulent tenter quelque chose nous leur couperons les pieds». «La Syrie est un pays fort, prêt à contrer les menaces. Sans aucun doute, l'Iran soutiendra la Syrie par tous les moyens et de toutes ses forces.» La volonté de casser l'axe Damas-Téhéran est particulièrement mise à l'index. Dans cette situation, la question des missiles s'apparente à un moyen dérivatif pour Israël de mettre aux oubliettes les droits bafoués des Palestiniens. La colonisation pourrait continuer avec l'aval du monde dit «libre». L'affaire des Scud permet ainsi aux Israéliens de repousser encore plus loin les négociations de paix et de répondre aux timides pressions de l'administration Obama pour faire cesser la colonisation. L'affaire des Scud semble plus être de l'ordre de la manœuvre que d'une réalité concrète. Les accusations pourraient être également une tentative de convaincre la Syrie de rompre son alliance avec l'Iran. Israël, les Etats-Unis et d'autres pays arabes verraient d'un bon œil l'avènement d'un coup de froid, voire d'une rupture entre la Syrie et l'Iran. Une option difficile à réaliser dans l'ordre actuel des choses. Néanmoins, l'appréhension reste de mise : ce type d'escalade verbale a été suivi dans le passé des raids aériens et d'agressions israéliennes meurtrières contre ses voisins. M. B.