Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi «Si ce n'est la baraka du Ramadhan, deux rémunérations, voire trois ne suffiraient pas à boucler, modestement, ce mois de la rahma», lâche un père de famille étourdi par la cherté des produits de consommation qui fait fondre les bourses des ménages dont les budgets ne sont constitués que d'une mensualité ou deux, si l'épouse travaille. Le pouvoir d'achat devient l'incapacité d'achat pour beaucoup de familles, obligées de recourir aux achats à crédit et à des prêts pour avoir un peu d'argent qui leur permettrait de faire face aux multiples achats qui ne peuvent être portés sur une ardoise. Pour ces derniers, il s'agira de trouver le produit le moins cher. C'est là qu'intervient l'informel qui conserve confortablement sa place sur le marché et dans la société grâce à la dégradation du pouvoir d'achat. Le marché parallèle vient à la rescousse des consommateurs «incendiés» par la mercuriale des prix.En fait, la baisse du pouvoir d'achat a contribué à l'évolution de l'économie souterraine, comme la rareté encourage la spéculation. Ce qui engendre une disproportion alarmante entre les salaires et les dépenses, malgré les révisions et les augmentations opérées dans les rétributions. Cette situation exige de nouvelles perspectives pour réguler cette équation qui est également affectée par les effets de la crise mondiale. Des frais encore et toujours La population ne sait plus où donner de la tête. L'inquiétude et les incertitudes la rongent au quotidien et ses maux s'étendent. On en aura vu de toutes les couleurs durant ce mois de jeûne. Et la liste des désagréments n'est pas en passe de connaître d'atténuation. La galère des citoyens n'en finit plus. Deux autres rendez-vous les attendent. On prierait pour que la rahma du Ramadhan soit effective et dure un peu plus pour couvrir les frais à venir.Alors que l'on observe les trois derniers jours du jeûne, la ruée vers les marchés spécialisés dans la vente de vêtement s'accroît. «Je cherche une belle tenue pour mon fils qui étrenne sa scolarité et une belle robe pour ma ‘‘puce'' qui fréquente cette année le collège», dira une mère. C'est la quête de nombreux parents qui visitent les étals et tous les points de vente afin de dénicher la bonne affaire à moindre coût. Mais le pari s'avère difficile. C'est un défi. Une simple opération arithmétique montre qu'habiller de pied en cap un enfant nécessiterait pas moins de 7 000 dinars. La somme peut être divisée par deux si on s'approvisionne en habits usagés. Et quand on a plus d'un enfant, c'est carrément tout un budget qu'il faut, sinon trouver d'autres voies comme les prêts ou le payement par tranche. Il est difficile de satisfaire toute sa progéniture en effets vestimentaires et en fournitures scolaires, sans omettre les dépenses pour l'achat des ingrédients nécessaires à la confection des gâteaux de l'Aïd. Ainsi, le recours aux produits chinois réputés moins chers est devenu la seule échappatoire pour de nombreuses familles qui ne s'arrêtent pas sur la qualité, laquelle est à l'image du prix, l'essentiel étant de vêtir leurs enfants d'habits neufs. Car fêter l'Aïd est une exigence sociale et on ne peut priver les enfants de cette ambiance de fête. En outre, la friperie propose parfois de bonnes occasions et à de bons prix. Il s'agit de bien examiner le vêtement pour ne pas avoir de mauvaises surprises. «Un pantalon atteint les 1 200 dinars. Une paire de chaussures un peu plus. Si l'on s'amuse à compléter la tenue avec le pull-over, la facture frôlera le SNMG !» témoigne un citoyen qui met en relief l'impossibilité pour un père, dont les enfants dépassent trois ans, de les prendre en charge et de les habiller de la tête aux pieds. Cela sans prétendre les sortir tirés à quatre épingles tous les jours de l'année, mais uniquement lors des fêtes. Les commerces spécialisés en habillement ont ouvert il y a une dizaine de jours à Constantine. Aux côtés des traditionnels souks improvisés dans des espaces publics, une autre formule prend place ces dernières années dans la ville des Ponts : des locaux commerciaux sont souvent loués conjoncturellement à des détaillants, sans que ces derniers aient le moindre registre du commerce les autorisant à exercer cette activité. A Boussof, à Sidi Mabrouk, en plus des marchés implantés dans quelques communes, on trouve également des produits étalés un peu partout. La moindre rumeur sur une baisse des prix amène les citoyens à affluer vers un lieu donné. Par ailleurs, les bazars qui poussent comme des champignons à Constantine, surtout au centre-ville où l'on dénombre plus d'une dizaine, attirent les femmes notamment. Produits turcs et chinois s'y côtoient. On trouve même des tenues portant les griffes de grandes maisons de prêt-à-porter françaises qui, pour la majorité, sont des contrefaçons proposées à des prix exorbitants. Après l'Aïd, une autre dépense Après les achats de l'Aïd, la rentrée scolaire assèchera toutes les économies des ménages. Les fournitures et manuels scolaires occasionneront d'autres dépenses. D'ores et déjà, les enfants scolarisés issus de familles démunies se doteront de livres usagés qu'ils récupéreront chez des proches ou achèteront à moindre coût. «Chaque année, je fais du porte-à-porte auprès de mon entourage pour récupérer les ouvrages chez des enfants qui ont accédé à la classe supérieure. Cela m'évitera des dépenses supplémentaires», dira une mère dont l'époux travaille occasionnellement dans des souks. Et quand proches et voisins n'ont pas le livre recherché, les étals au niveau de la vieille ville demeurent l'autre solution pour la classe moyenne. On peut y trouver des manuels usagés mais récupérables à bas prix. A ce sujet, un citoyen dira : «On espère que cette rentrée n'altèrera pas les besoins des scolarisés en livres. On s'est habitué aux promesses des pouvoirs publics quant à leur disponibilité, or à chaque année c'est le même scénario qui se présente. Les enfants sont priés d'aller acheter des livres manquants à l'extérieur autrement dit chez les vendeurs ‘‘au noir''.» L'année dernière, au moment où le ministre de l'Education, Boubekeur Benbouzid, livrait des statistiques pour affirmer la disponibilité des manuels en nombre suffisant, de nombreuses écoles affichaient un manque… Ce qui a contraint les parents à aller chercher les livres sur le marché parallèle.Pour les familles démunies, la wilaya de Constantine, en collaboration avec la direction des affaires sociales, a élaboré des listes pour l'attribution de trousseaux aux enfants. En fait, ces listes ont été utilisées pour la distribution des couffins du Ramadhan. En définitive, la rentrée sociale va saigner à blanc les citoyens qui attendent encore et toujours l'amélioration de leurs conditions de vie.