Le gouvernement a finalement obtenu l'accord des Kurdes pour le départ de leurs combattants de Diyala. Mais les Kurdes ambitionnent toujours du rattachement de cette province au Kurdistan.Le nouvelle crise politique entre le gouvernement central iraqien et les Kurdes autour de la province de Diyala a finalement été désamorcée, les dirigeants kurdes ayant accepté de retirer leurs troupes de cette province. " Les peshmergas se retireront d'ici dix jours du district de Qara Tapa à la suite d'un accord avec le gouvernement iraqien ", a annoncé vendredi Jafar Moustafa, secrétaire d'Etat du gouvernement autonome kurde pour les affaires des peshmergas (combattants kurdes). Ce district situé dans le nord de Diyala comprend, outre la ville de Qara Tapa, les localités de Saadiya et Jalawla, où sont déployés depuis près de deux ans 4 000 combattants kurdes. Située à la lisière de la province de Souleimaniyeh, cette zone septentrionale de Diyala est habitée en majorité par des Kurdes chiites, et les dirigeants kurdes ambitionnent de la rattacher au Kurdistan, comme la riche ville pétrolière de Kirkouk et une partie de la province de Mossoul. D'où le caractère explosif de cette question. Les peshmergas se sont déployés dans ces zones à la demande des armées iraqienne et américaine, alors que Diyala était à feu et à sang en raison notamment des activités d'Al-Qaëda. Le porte-parole du ministre iraqien de la Défense, le général Mohammed Al-Askari, a affirmé que " la brigade des peshmergas était venue du Kurdistan pour prendre position dans la vallée de Khamrine quand l'armée et la police iraqiennes étaient occupées ailleurs ". " L'accord stipulait leur retrait quand l'armée iraqienne serait prête. Aujourd'hui, nous sommes venus leur dire que nous n'avions plus besoin d'eux ". Mais le porte-parole des peshmergas, le général Jabar Yawar, avait contesté les propos du porte-parole de l'armée, affirmant que la " la zone où nous nous trouvons est sécurisée et n'a besoin ni d'opération militaire ni d'un déploiement de l'armée iraqienne. Nous avons donné notre sang pour y maintenir la paix ". La position initiale des dirigeants kurdes, qui refusaient le retrait de leurs troupes et le déploiement à leur place de l'armée iraqienne, tenait à leur crainte de créer un précédent en leur défaveur. " Nos dirigeants ont peur que si l'armée iraqienne réussisse à se déployer dans la province de Diyala, elle le fera aussi dans les régions de Kirkouk et de Mossoul où sont présentes nos forces ", a affirmé sous couvert de l'anonymat une responsable kurde de Souleimaniyeh. Forts de 70 000 hommes, les peshmergas sont déployés dans la région kurde. A Kirkouk, se trouvent les " Assaïch " (forces de sécurité) dépendant des deux grandes formations politiques kurdes, l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK) de Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan, et le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) de Jalal Talabani, le président iraqien. Mais en filigrane apparaît l'ambition des Kurdes de doubler la surface de leur territoire. Selon une carte qui figure sur le site Internet du gouvernement autonome, l'ambition des Kurdes est de doubler la surface de leur territoire pour le passer de 40 000 à 78 000 km2, ce qui représenterait 18 % de l'Iraq. Les Kurdes revendiquent un territoire s'étendant de la frontière turque au nord jusqu'à la lisière de Kout, à 160 km au sud-est de Bagdad, mais aussi la majorité des gouvernorats de Diyala et de Ninive jusqu'à Mossoul, une partie de la province de Salaheddine et surtout la province pétrolière de Kirkouk. Cette dernière est la principale pomme de discorde. Riche ville pétrolière au nord de Bagdad, les Kurdes veulent la contrôler au dam des Arabes et des Turcomans. Ce contentieux est à l'origine du report de la tenue des élections provinciales qui étaient prévues le 1er octobre et qui sont considérées comme cruciales pour le processus de réconciliation entre communautés iraqiennes. Principaux partenaires du gouvernement iraqien dominé par les chiites, les Kurdes s'opposent à l'article 24 du projet de loi électorale qui propose une répartition à part égale du pouvoir au Conseil provincial de Kirkouk entre les trois communautés arabe, kurde et turcomane. Adopté par le gouvernement en avril, le projet de loi avait été approuvé, après de longues discussions, le 22 juillet par le Parlement dans un contexte tendu : seuls 140 des 275 députés étaient présents et de nombreux parlementaires avaient dénoncé des irrégularités dans la procédure du vote, boycotté par les 54 députés kurdes et d'autres. En réaction, le Conseil présidentiel, composé du chef de l'Etat Jalal Talabani et de ses deux adjoints, avait décidé d'y opposer son veto. Et le Parlement n'était pas parvenu à un accord sur une proposition de l'Onu suggérant le report d'un an du scrutin à Kirkouk, afin de permettre la tenue des élections provinciales dans le reste de l'Iraq. Hicham Mourad